Homélie, 19ème jeudi du Temps Ordinaire

11 AOÛT 2022

Un Dieu juste et miséricordieux?

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., adresse avec nous deux représentations bibliques de Dieu qui souvent semblent contradictoires: le Dieu de justice qui exprime de la colère et le Dieu de miséricorde qui se montre patient.

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Homélie

Deux lectures fort différentes. Dans la première, le prophète Ézéchiel mime le sort qui attend les habitants de Jérusalem et tout le peuple d’Israël. Dieu en a assez de cette engeance rebelle. Il sera puni et partira en exil. Le psaume poursuit dans la même lignée. « Dieu a entendu, il s’emporte. Il livre son peuple à l’épée, contre son héritage, il s’emporte ». Un contenu fort différent de celui de l’Évangile où Jésus nous présente une parabole faisant l’apologie du pardon sans limite. « Je ne te dis pas 7 fois, mais 70 fois 7 fois ».

Que se passe-t-il? Jésus nous parle-t-il du même Dieu? Dès le IIe siècle de notre ère, Marcion proposait d’exclure de la Bible chrétienne toute référence au Dieu de la colère de l’Ancien Testament pour ne conserver que les textes évoquant le Dieu d’amour. Sans aller aussi loin que Marcion, vous aurez remarqué qu’avec la réforme liturgique de Vatican II, les psaumes les plus violents ont été éliminés de la Liturgie des heures et que les autres ont été expurgés des versets jugés choquants.

Mais est-ce bien la solution à la question de ce contraste voire cette opposition entre ces deux représentations de Dieu? Un Dieu qui châtie, dans sa justice. Un Dieu qui offre le pardon et le demande en retour, dans sa miséricorde.

Il faut bien reconnaître qu’une certaine conception de la miséricorde en arrive à négliger la gravité du mal commis. La justice est importante! Elle est essentielle pour le maintien de l’harmonie dans une société et correspond à la révolte du cœur humain devant l’injustice. Ce sentiment se manifeste très tôt chez l’être humain. Les enfants tout jeunes savent très bien rappeler à leurs parents qu’ils ne sont pas justes les chargeant de beaucoup plus de tâches que ses frères et sœurs. D’ailleurs, plusieurs prophètes et psaumes en appellent à la justice de Dieu devant l’exploitation du pauvre, de la veuve et de l’orphelin.

Une homélie n’étant pas un traité de théologie, je me suis tourné vers notre pape François, grand apôtre de la miséricorde, pour éclairer la question de la justice et de la miséricorde divine. Dans la bulle proclamant, en 2015, l’année de la miséricorde, le pape François s’appuie sur ce passage du prophète Osée : « Mon cœur se retourne contre moi; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme: au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer. » (11, 8-9) Et il poursuit en citant saint Augustin : « Il est plus facile pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde »!

Dieu ne nie pas la nécessité de la justice, mais il va au-delà. Il sait le mal dont l’être humain est capable. C’est d’abord devant ce mal qu’il entre en colère. Il veut que sa créature vive, qu’elle soit heureuse. Il offre sa tendresse et son pardon pour qu’en faisant l’expérience du pardon, une véritable conversion jaillisse.

Dieu ne serait pas Dieu s’il n’était que juste, comme il le dit lui-même par la bouche d’Osée. Il serait comme tous les êtres humains qui en restent au seul plan légal. Le pape François soutient même que « la justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir ».

Finalement, le pardon de Dieu avec le don de l’Esprit fait de nous des êtres justes, non seulement accordés à sa volonté de vie et d’amour, mais participante à sa vie elle-même!

Dans les situations d’injustice que plusieurs sociétés ont connues, comme en Afrique du Sud avec le régime de l’apartheid, ou ici, avec le traitement des peuples indigènes, je trouve que ces commissions de ‘vérité et de réconciliation’ s’inscrivent dans une démarche qui essaie de dépasser l’offense, tout en la reconnaissant, pour entrer dans un avenir non seulement de stricte justice, mais aussi de meilleure compréhension mutuelle et d’une volonté profonde de vivre ensemble.

Qu’en communiant au pain rompu et à la coupe partagée du Seigneur, puissions-nous devenir de plus en plus ses frères et fils et filles du Dieu dont « la colère ne dure qu’un instant mais la bonté toute la vie » (Ps 30, 6)!

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dans ta miséricorde, Seigneur Dieu,
tu as conduit sainte Claire à l’amour de la pauvreté ;
accorde-nous, à son intercession,
de suivre le Christ dans la pauvreté du cœur,
afin de pouvoir te contempler
dans le royaume des Cieux.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.