Homélie, 19ème lundi du Temps Ordinaire

8 AOÛT 2022

Une présence avec et pour les autres

Alors que nous reprenons les homélies pour l’année scolaire 2022-2023 en cette fête de Saint Dominique, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous apporte les nouvelles récentes de la communauté et nous explique la mission dominicaine à partir des lectures du jour.

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Homélie

Cette fête de saint Dominique revêt plusieurs aspects spéciaux. D’abord, elle vient un an après la grande célébration du 800e anniversaire de son entrée au ciel, le 6 août 1221, en la fête de la Transfiguration. Ce fut une solennité unique, une fois par siècle! Mais d’autres éléments viennent donner un caractère spécial à cette fête de 2022. Une nouvelle fraternité laïque sera reconnue, celle d’Albert-le-Grand, dont cinq membres feront leur engagement et un autre son entrée dans le groupe. Parlant de saint Albert, le couvent ici, qui porte son nom, vient d’entrer dans une nouvelle étape de sa vie, avec la vente de l’édifice et son nouveau statut pour poursuivre sa mission et sa communion. De plus, notre province du Canada a un nouveau prieur provincial et le pays vient de recevoir la visite du pape François dans un voyage de guérison et réconciliation.

C’est dans ce contexte précis, le nôtre, que nous nous tournons aujourd’hui vers Dominique, pour que son inspiration nous guide, nous éclaire : lui qui est appelé lumière de l’Église, rose de la patience, prédicateur de la grâce. Quels traits de son visage et de son style sont particulièrement pertinents pour nous aujourd’hui? Pour les souligner, je le ferai à partir de deux sources : la Parole (les trois lectures) et les images (l’iconographie).

Dans l’Évangile, Jésus dit à ses disciples, donc à nous aujourd’hui : vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. Ce qui est intéressant dans ces deux images retenues par Jésus, c’est leur différence et leur complémentarité pour dire la mission dominicaine. Le sel ne se voit pas, il est discret mais donne saveur aux aliments et favorise leur conservation. C’est une présence par immersion qu’on remarque peu, mais dont l’absence affecte le milieu. La lumière, au contraire est très visible et rayonnante, on la remarque; une présence par des œuvres qui témoignent de la bonté du Père. Dominique a été sel et lumière. Ainsi, notre vie dominicaine de moniales, frères, laïques, sœurs apostoliques, peut s’exprimer à travers cette diversité de présences, comme sel, ou comme lumière. Mais dans les deux cas, c’est avec et pour les gens, car Jésus parle du sel de la terre et de la lumière du monde; jamais en soi-même et pour soi-même mais avec et pour d’autres.

Dans sa lettre à Timothée, Paul parle d’encourager avec patience et souci d’instruire, et de garder la mesure; cela dans un contexte où les gens sont tirés dans toutes les directions par des courants spirituels et des idéologies. Il est clair que Dominique a mis en œuvre exactement ces traits. Cette démangeaison d’entendre du nouveau est aujourd’hui triomphante dans nos divers médias, et dans un climat laïciste souvent hostile à la religion et à l’Église. Comme dominicains, nous avons grand besoin de patience, de voir à plus long terme, et de garder la mesure, car la tentation des extrêmes est omniprésente, même en nous. Mais le souci d’instruire est un apport très original que nous pouvons mettre en œuvre, comme dominicains, de manière plus discrète ou plus visible.

Quant à Isaïe, le messager est un annonceur de paix, de bonne nouvelle, non de paroles qui nourrissent le ressentiment ou le découragement. Dominique fut un médiateur, le messager d’une parole qui guérit et réconcilie, ce qui est interpellant dans notre contexte où la guerre fait partie du paysage, sans oublier celle au virus et ses vagues.

De la parole aux images. Plusieurs savent mon intérêt pour l’iconographie de saint Dominique; l’an dernier pour le 800e, j’ai eu l’occasion de le montrer. Dans les images plus anciennes, au 13e siècle, parmi les attributs présents, j’en souligne trois : le livre de la Parole, le bâton et l’étoile. Dominique est porteur de la Parole (en même temps qu’elle le porte); il est mobile, marche, en déplacement, avec son bâton. Quant à l’étoile, elle désigne Dominique non comme une star mais comme un guide unique. Ces attributs nous parlent de Dominique, aux origines mêmes de l’Ordre, mais aussi de nous qui voulons marcher dans ses pas. Ainsi sommes-nous appelés à recevoir et utiliser le livre et le bâton, à notre manière, comme laïque, sœur, moniale, frère; ils sont tous les deux essentiels à notre identité dominicaine. Et Dominique à l’étoile demeure notre guide et chef de file.

D’autres attributs se sont ajoutés dans les siècles suivants. Ainsi le chien, à l’air gentil ou grave (la diversité de l’espèce canine se retrouve dans l’iconographie de Dominique!), disant soit l’universalité de la mission, car le chien parcourt la terre, ou le rôle de gardien, protecteur du troupeau. Et puis le rosaire, lui aussi surtout à partir du 16e siècle, pour dire le culte à Marie, qui était déjà présent mais autrement au début de l’Ordre, particulièrement avec la figure de Notre-Dame des Miséricordes, la Vierge au manteau. Ce chien et ce rosaire, comment leur donnons-nous forme aujourd’hui, comment les renouveler?

Évidemment, ce qui est constant dans les images de Dominique, c’est son habit, blanc et noir, malgré les variantes de longueur et tissu! Et que nous portons toujours. Cela dit notre origine canoniale (chanoine), avec ses composantes de prière chorale, de vie communautaire et d’engagement ecclésial, qui ont formé Dominique lui-même et qui ont configuré le mode de vie des frères. Mais des variantes sont possibles. Récemment, lors de la neuvaine à Ste Anne de Pointe-au-Père, une femme m’a dit : « Vous êtes dominicain : nous avons un saint Dominique dans notre église ». Je suis allé voir, c’était dans la région (Ste-Luce-sur-mer) : la sculpture était à un autel latéral, avec Marie remettant le rosaire à Dominique. Mais son habit était brun et sa chape blanche!

Dans ce contexte qui est le nôtre, avec tous ces traits de Dominique que nous suggèrent les Écritures et les images, marchons ensemble, synodalement, dans la gratitude et la fraternité, pour louer, bénir et prêcher. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Permets, Seigneur, que ton Église trouve un secours
dans les mérites et les enseignements de saint Dominique:
qu’il intercède pour nous avec toute sa tendresse,
après avoir été un prédicateur éminent de ta vérité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui règne avec toi et le Saint Esprit
maintenant et pour les siècles des siècles.

∞ Amen.