Prédication, 2e dimanche de l’Avent A

7 décembre 2025

Convertissez-vous à l'espérance !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous partage des nouvelles de la visite de notre pape Léon XIV en Turquie et au Liban où il a été prophète annonciateur de la paix promise par Dieu à son peuple et où il a encouragé dans l’espérance nos frères et sœurs dans le Christ.

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Prédication

J’ai beaucoup suivi le voyage du pape Léon en Turquie et au Liban. Sa visite au Liban s’est conclue par une grandiose célébration eucharistique devant plus de 120 000 personnes. La première lecture était la même que celle de ce matin. En l’entendant, je me demandais comment les participants à cette célébration pouvaient accueillir cette prophétie d’Isaïe annonçant l’établissement de la paix et de l’harmonie universelles. Le loup habiterait avec l’agneau. Il n’y aurait plus de mal ni de corruption sur ma montagne sainte.

Comment a réagi cette jeune femme en larmes, au port de Beyrouth, qui s’est jetée dans les bras du pape tellement sa souffrance est grande? Elle avait perdu un proche lors de la terrible explosion qui y a eu lieu. Rappelez-vous en 2020, une déflagration massive y avait fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et des dégâts immenses, avec une enquête bloquée par l’obstruction politique.

Comment a-t-elle réagi? Probablement comme les contemporains d’Isaïe! Ce texte a été écrit à la fin du 8e siècle av. J.-C. dans une période extrême troublée où le petit royaume juif est menacé de toutes parts et vit dans l’angoisse et l’insécurité. De plus, les rois de Jérusalem sont corrompus. Ils ne remplissent pas leur mission de veiller au bien commun et d’assurer la justice. La situation est précaire. D’ailleurs, selon un exégète sérieux, il semble bien que plus les paroles des prophètes sont encourageantes, plus il nous faut déduire que le contexte où elles sont prononcées est difficile.

Ces paroles d’Isaïe peuvent nous laisser, nous aussi, sceptiques. N’assistons-nous pas impuissants à des conflits de plus en en plus sanglants comme au Soudan ou à Gaza? Les droits de la personne semblent en recul dans de nombreux pays. La persécution religieuse, en particulier, vis-à-vis des chrétiens, augmente. Du point de vue de l’environnement, l’exploitation des ressources pétrolières prévaut sur les préoccupations écologiques. Pensons aux négociations entre les États-Unis et la Russie sur l’avenir de l’Ukraine où la loi du plus fort en déterminera l’issue. Quand on pense qu’il a fallu une forte intervention des Européens pour que les Ukrainiens aient leur mot à dire.

Comment alors accueillir cette prophétie d’Isaïe? Tout d’abord, pour ce qu’elle est : une parole de Dieu, une promesse de Dieu, un engagement de Dieu. Le caractère idyllique de ce monde sans violence correspond au projet de Dieu quand il a créé l’univers et l’être humain. Mais les manières de Dieu ne sont pas les nôtres. Dans son homélie, mardi dernier, le pape Léon XIV affirmait : le royaume annoncé « est un germe, un petit rameau qui pousse sur un tronc, une petite espérance qui promet la renaissance quand tout semble mourir ». Il poursuivait : « Cela est aussi une indication pour nous, afin que nous puissions avoir le regard assez clairvoyant pour reconnaître la petitesse du germe qui pousse et grandit même au sein d’une histoire douloureuse. Les petites lumières qui brillent dans la nuit, les petites pousses qui apparaissent, les petites graines plantées dans le jardin aride de cette époque, nous pouvons les voir nous aussi, ici, aujourd’hui ».

Recourir à la force des puissants, des méchants serait contraire au but même recherché. Il ne s’agit pas seulement d’instaurer un monde extérieur de paix et de justice par la force, mais de convertir les cœurs à la paix, à la confiance, à l’accueil de l’autre par la connaissance de Dieu emplissant la terre comme les eaux recouvrant le fond de la mer (Is. 11, 9).

Nous savons que cet engagement de Dieu a pris un visage concret en son Fils Jésus, rameau sorti de la souche de Jessé. Il s’est prononcé en faveur de tous les humbles. La justice a été la ceinture de ses hanches et la fidélité la ceinture de ses reins. Sur lui a habité l’Esprit en plénitude. Comme le dit le Baptiste : « Moi, je vous baptise dans l’eau […], mais lui vous baptisera dans l’Esprit et le feu ». Cet Esprit, il l’a répandu sur le monde. Les évangélistes Jean et Luc nous disent que le Christ l’a soufflé sur le monde lorsque, suspendu sur la croix, il expira. Il remit son Esprit à son Père et à l’humanité.

Ne nous attendons donc pas à des victoires militaires où le mal serait terrassé et les tyrans châtiés une fois pour toutes. Au Liban, que pouvait faire le pape? Certes, il a enjoint les dirigeants à entendre le désir de paix de leurs concitoyens. Il a demandé la fin des interventions militaires. Mais, comme demandait Staline : « le pape, combien de divisions? » Connaissez-vous le nombre de gardes suisses au Vatican? 135. Bien difficile de triompher par la force! Pourtant, le pape Léon s’est imposé en prophète de la paix et comme un père qui comprend et accueille les souffrances de ses enfants brisés par les épreuves. Il a été ce père dont le seul intérêt est le bien de ses enfants et qui s’émeut de leurs douleurs. Comme il a dit : « je porte en moi la douleur et la soif de vérité et de justice de tant de familles, de tout un pays! » N’est-ce pas ce qu’on attendait de lui? C’est dans cet esprit qu’il n’a cessé d’inviter ses auditeurs à l’espérance, à être des artisans de paix (thème de son voyage), à s’ouvrir à l’autre. J’entends encore le témoignage émouvant d’une chrétienne racontant au pape comment elle avait accueilli une famille musulmane chiite dont la maison avait été détruite lors d’un bombardement de l’aviation israélienne. Le pape a insisté : cultivez les germes de paix, ne vous laissez surtout pas décourager, ne cédez pas à la logique de la violence, ne vous résignez pas au mal qui se répand.

Il a terminé son homélie en invitant ses auditeurs à réveiller au plus profond d’eux-mêmes « le rêve d’un Liban uni, où triomphent la paix et la justice et où, enfin, puisse se réaliser ce que nous décrit le prophète Isaïe ‘le loup habitera avec l’agneau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble’. Tel est le rêve qui vous est confié ».

Oui, frères et sœurs, tel est le rêve que Dieu confie non seulement au peuple libanais, mais à nous tous et à nous toutes en ce temps de l’avent. Deux désirs se rencontrent. D’une part, celui de nos cœurs, celui de l’humanité en quête d’un monde de paix et de justice. D’autre part, le désir de Dieu qui rêve lui aussi d’un monde de paix et de justice où tous ses enfants seraient rassemblés dans la paix à sa table. Entendons l’appel du Baptiste : convertissons-nous, convertissons-nous à l’espérance, à une espérance qui transforme les cœurs, à une espérance qui pose les germes, dans l’Esprit, du ciel nouveau et de la terre nouvelle. Soyons des prophètes de paix et de justice, à la suite du Christ Jésus, crucifié et victorieux, répandant son Esprit sur le monde, lui, la racine de Jessé dressée comme un étendard pour les peuples! Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu des vivants,
ton amour est toujours à l’œuvre,
ta parole toujours vivante!
Aujourd’hui encore, la voix de Jean Baptiste
nous annonce la venue de ton Fils
et cette venue illumine nos vies.
Donne-nous savoir témoigner de notre espérance
et de préparer ensemble le chemin de Celui
qui est déjà au milieu de nous
et qui règne avec toi et le Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.