Prédication, 1er lundi du temps de l’Avent

1er décembre 2025

Comme un grain de blé...

Aujourd’hui, Ciro Piccirillo, Responsable International Fraternités séculières Charles de Foucauld, nous invite à l’exemple de saint Charles de Foucauld, à être comme des grains de blé en ce temps de l’Avent : une présence humble, disponible et emplie d’une joie sereine et contagieuse pour le monde.

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Prédication

Les jours raccourcissent, les inquiétudes du monde cognent à la porte et nos forces semblent parfois s’effriter avec le poids (et la vitesse!) de notre quotidien. Qu’est-ce qui nous tient encore debout? Peut-être est-ce justement dans ces moments-là, au milieu de nos hivers, des tensions internationales, des solitudes et des fatigues accumulées, que nous sentons le plus vivement le besoin d’une lumière qui ne trompe pas. Et aujourd’hui, en commémorant la vie de Saint Charles de Foucauld, notre Frère, cette question devient une invitation: et si la réponse se cachait dans la simplicité d’une vie donnée comme un grain de blé?

Aujourd’hui, alors que décembre s’ouvre doucement sur la froideur québécoise et que les jours raccourcissent, nous nous rassemblons, ici comme partout dans le monde, pour célébrer le témoignage évangélique d’un homme, le Frère Charles, qui a compris avant nous que la lumière ne se mesure pas en heures, mais en fidélité. Il est mort assassiné un 1er décembre, mais son départ est devenu une germination. Comme le grain de blé tombé en terre, sa vie enfouie dans le désert saharien continue, plus d’un siècle plus tard, à pousser en nous des racines d’espérance et de fraternité.

C’est peut-être cela qui nous touche encore chez lui : sa manière si simple de croire que Dieu travaille dans l’ordinaire. Dans la poussière ou dans les silences de la vie, dans l’amitié offerte sans calcul. Dans nos hivers québécois, dans les villages déchirés de Syrie, d’Ukraine ou de Gaza, dans les salles d’attente des hôpitaux, dans les familles essoufflées, dans les paroisses fatiguées. La spiritualité de Nazareth n’a jamais demandé des héros, encore moins des prodiges. Elle demande des cœurs capables d’être présents, vraiment présents : comme Marie chez Élisabeth, comme Jésus dans les trente années invisibles de Nazareth, comme le Frère Charles dans sa petite maison d’ermite où chaque visiteur devenait un frère, une sœur.

Et nous, aujourd’hui, dans nos Fraternités, nous sommes les héritiers de cette manière d’habiter le monde. Pas en haut, pas au-devant, pas dans le bruit, mais dans la proximité. Nous voyons bien que nos communautés vieillissent, que les visages racontent des décennies de fidélité et d’offrande, et que les jeunes se font plus rares (mais présents!). Pourtant, ce constat ne doit pas devenir un soupir, mais une promesse. Car la vie chrétienne a toujours été portée par des communautés qui se savaient petites mais pas insignifiantes. Le grain de blé est petit, lui aussi. Minuscule même. Presque insignifiant. Et pourtant, il porte dans son cœur tout un avenir.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui n’est pas d’être nombreux, mais d’être vrais. D’être ce grain qui accepte de tomber, de disparaître un peu, de s’oublier, pour que quelque chose, que nous ne contrôlons pas, puisse naître. Le Frère Charles n’a pas vu ce qui allait naître de lui. Nous non plus, nous ne verrons peut-être pas où mèneront nos gestes d’écoute, d’entraide, nos temps d’adoration, nos rencontres fraternelles parfois fragiles. Mais Dieu n’a jamais travaillé à travers les résultats : il travaille à travers la disponibilité.

Et nous voici justement au seuil de l’Avent. Un temps qui commence, paradoxalement, par un Évangile qui secoue : « Veillez, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. » (Mt 24, 37-44). Il ne s’agit pas d’avoir peur, ni de scruter le ciel en cherchant des signes mystérieux. Jésus nous appelle simplement à être présents. À vivre éveillés. À ne pas laisser la routine anesthésier nos attentes. À rester vivants intérieurement : comme le grain dans la terre, qui semble dormir mais prépare déjà la vie.

C’est là que veiller rejoint profondément notre mission d’écoute et de joie. Veiller, dans l’esprit de Nazareth, c’est garder un cœur ouvert, disponible, attentif à ce qui naît silencieusement autour de nous. Celui qui veille écoute déjà : il perçoit les fragilités, les besoins, les appels, et même la discrète présence de Dieu dans l’ordinaire. Et c’est justement cette vigilance aimante qui fait naître la joie vraie, celle qui jaillit quand on reconnaît la vie qui pousse là où on ne l’attendait plus.

Et si, cette année, l’Avent devenait pour nos Fraternités un temps d’écoute renouvelée ? Écouter Dieu d’abord dans l’Évangile, dans l’adoration, dans le silence de Nazareth où tout se joue dans la discrétion. Mais aussi écouter le monde. Les cris. Les fatigues. Les joies modestes. Les questions des jeunes qui cherchent du sens. Les inquiétudes des anciens qui sentent leurs forces diminuer. Les blessures des peuples, des migrants, des peuples autochtones, des familles éclatées, des soignants épuisés. Écouter, sans juger, sans corriger à toute vitesse, sans vouloir sauver. Juste écouter avec un cœur fraternel.

Et puis, il y a la joie. Le Frère Charles était un homme de joie, une joie dépouillée, ancrée en Dieu, une joie qui ne dépend d’aucune réussite visible. La joie de croire que Dieu travaille même lorsque tout semble immobilisé. La joie simple d’un sourire partagé, d’un repas donné, d’une lettre envoyée, d’un pardon accordé.

Notre mission, en Église et dans le monde, pourrait se résumer à cela : être des hommes et des femmes qui écoutent et qui rayonnent une joie tranquille. Pas spectaculaire. Pas triomphante. Une joie née de la certitude que Dieu aime ce monde plus que nous, et qu’Il ne cesse de le relever. Dans un monde souvent marqué par l’égoïsme et la fragmentation, notre manière d’être dans la joie et l’espérance devient une forme de résistance : un témoignage vivant et une militance silencieuse qui défend la fraternité et la dignité de chaque personne.

Alors, en ce 1er décembre, jour où nous célébrons celui qui a voulu être le « petit frère universel », demandons la grâce d’être, nous aussi, des grains de blé confiés à la terre de notre époque. Une époque secouée, inquiète, parfois dure, mais profondément aimée de Dieu. Demandons la grâce d’aimer le monde comme Jésus l’a aimé, comme le Frère Charles l’a aimé : patiemment, humblement, avec une confiance tenace.

Que cet Avent ouvre pour nous tous et nos Fraternités un chemin d’espérance à hauteur d’humanité. Qu’il renouvelle notre désir d’être présents, disponibles, fraternels. Que la joie du Christ, même petite et discrète, éclaire nos pas et nos Fraternités, devenant en nous et autour de nous une source de vie et d’espérance inépuisable.

Ciro Piccirillo
Responsable International Fraternités séculières Charles de Foucauld

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu,
nous t’en prions :
accorde-nous d’attendre sans faiblir la venue de ton Fils,
pour qu’au jour où il viendra frapper à notre porte,
il nous trouve vigilants dans la prière,
joyeux de chanter sa louange.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.