Prédication, 1er dimanche de l’Avent A

30 novembre 2025

Veillez !

En ce premier dimanche de l’Avent, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à veiller et à nous préparer, mais pas seulement pour le retour futur du Christ : il faut aménager notre présent, vivre en profondeur et avec perspective pour mieux accueillir le Christ aujourd’hui.

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Prédication

Dormez-vous bien? J’espère que mon homélie ne vous a pas déjà plongé dans le sommeil! Dormez-vous bien? Question de santé importante. Je lisais récemment sur le site de l’Université Laval : « Investissez dans votre santé, dormez! » De fait, le sommeil nous est nécessaire. Reposés, notre mémoire est meilleure, nous pouvons mieux nous concentrer et apprendre plus vite. Il permet une meilleure humeur et une gestion de nos émotions en prévenant la déprime. Il améliore l’efficacité de notre système immunitaire et diminue le risque de maladies cardiovasculaires.

Je sais que, dans les semaines qui viendront, vous (les étudiants), à cause des examens, essaierez de limiter le plus possible vos heures de sommeil pour étudier quitte à ingurgiter des quantités industrielles de café ou des boissons énergisantes. Sans le savoir, vous accomplirez ce qui nous est demandé dans nos lectures « restez éveillés ». J’ai l’impression que si le sommeil est nécessaire à notre bonne santé physique il peut être dommageable à notre santé spirituelle.

En effet, Paul écrit : « c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. […] La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche ». Quant à Jésus, il insiste : « Veillez, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient ». Et encore « Tenez-vous donc prêts : c’est l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra ».

Ainsi le jugement de Dieu frappera à l’improviste comme il en fut au temps de Noé, lors du déluge. On mangeait, on buvait, comme si de rien n’était. Et vlan! Seules quelques personnes, ayant fait l’expérience de Dieu et alertées par lui, se sont préparées, se sont mises à l’abri dans l’arche et ont été sauvées.

Le jugement frappera à l’improviste comme le voleur qui vient dévaliser la maison ou encore le Musée du Louvre. Rappelez-vous : quatre cambrioleurs, un dimanche matin, ont fracassé une fenêtre et y ont perpétré un vol audacieux. Si la direction du musée avait veillé en suivant les recommandations d’un audit de sécurité mené en 2018 qui avait mentionné très précisément le balcon utilisé par les cambrioleurs et même évoqué l’usage d’un monte-charge!

Jugement où l’un sera pris, l’autre laissé. La venue du Fils de l’homme surprendra et prendra les humains tels qu’ils sont. Une photo sera prise. Une sorte d’instantané. Rien ne pourra être changé. Ce sera le moment d’un grand tri. L’humanité sera alors divisée deux groupes : les sauvés et les damnés.

On ne peut pas dire que le discours de Jésus soit très rassurant. Il est plutôt inquiétant. Il ne favorise pas du tout le sommeil.

Restez éveillés. À regarder de plus près le texte de l’Évangile, les exemples mentionnés par Jésus présentent des personnes qui se comportent comme les humains le font dans leur vie de tous les jours. Deux personnes font le même travail : travailler au champ ou moudre du grain au moulin. Quant aux hommes et femmes du temps du déluge, ils mangeaient, ils buvaient et se mariaient. La vie normale, quoi!

Ce n’est donc pas le fait de manger, de boire, de se marier ou de travailler qui constitue le critère du jugement du Fils de l’homme. Comment s’opère le tri? Le problème ne se situerait-il pas dans l’inconscience de l’être humain, justement lorsque celui-ci se contente de manger, de boire, de se marier, de travailler sans la moindre perspective? Lorsque l’horizon, c’est l’instant présent. Ne pas voir plus loin que le bout de son nez, tel serait l’obstacle.

On pourrait être tenté de comprendre ce texte à la lumière de ce qu’un chroniqueur du Devoir a appelé récemment l’individualisme hédoniste de l’Homo festivus. Mais Jésus va plus loin. Il ne pense pas uniquement à la personne obsédée par le divertissement, la fête et les loisirs au détriment de ses responsabilités civiques ou familiales, où le plaisir est la valeur fondamentale. Jésus pense surtout aux personnes qui ne voient pas plus loin que le moment présent, qui vivent sans perspective, qui restent à la surface des choses. Comme le dit un commentateur, « sans se douter de rien, ils dorment sur un coussin de dynamite ». Il poursuit : « Quand on vit endormi, sans le moindre café ou stimulant spirituel, sans système d’alarme contre les voleurs, sans aucun souci de son avenir éternel, on s’organise forcément pour être surpris, démasqué, brusqué par le choc de la fin, pris en flagrant délit d‘inconscience ».

Ce jugement annoncé par Jésus n’a pas pour but de nous effrayer, de nous installer dans une peur paralysante mais de nous inviter à prendre nos vies au sérieux, à leur donner de la perspective.

Si l’Évangile porte notre regard sur la venue du Seigneur à la fin des temps, j’aimerais attirer votre attention sur un tout petit détail de traduction lorsqu’il est question du tri. Je cite le texte dans la nouvelle version des Évangiles publiées par la Bible de Jérusalem : « Alors deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé; deux femmes seront en train de moudre: l’une est prise, l’autre laissée ». Avez-vous remarqué cette présence du futur et du présent? Dans les traductions antérieures, tout était au futur. Détail anodin? Je n’en suis pas convaincu. Certes, le Seigneur viendra à la fin des temps, mais ne vient-il pas également dans nos vies, à l’improviste sans qu’il ne s’annonce? Il vient alors non pas pour juger, mais pour réorienter nos vies, leur donner une nouvelle direction et impulsion. Demandez à l’apôtre Paul ce qu’il en pense quand, sur le chemin de Damas, il est frappé par la lumière de la révélation du Christ Jésus. Ne faut-il pas rester ouvert? Ou du moins, garder un œil ouvert : si jamais il venait! Se préparer à Noël ne serait-ce donc pas aussi nous disposer à accueillir dans nos vies Jésus, le Dieu qui sauve.

Veillons donc pour aujourd’hui et pour le grand Jour à venir, le Jour du jugement final. Ce jugement est le but ultime de toute vie. Ce jour où sera divulgué ce qui faisait vivre chaque être humain au plus profond de son cœur. Ce jour fin de toute l’histoire de l’humanité, mais début des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. « Des jours viendront où toutes les nations afflueront vers la montagne du Seigneur. […] Il sera le juge entre nations. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée : ils n’apprendront plus la guerre. Venez, marchons à la lumière du Seigneur! » Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant,
la volonté d’aller par les chemins de la justice
à la rencontre de celui qui vient, le Christ,
afin qu’ils soient admis à sa droite
et méritent d’entrer
en possession du Royaume des Cieux.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.