Prédication, 34ème jeudi du temps ordinaire

27 novembre 2025

Dans la fosse aux lions !

Aujourd’hui, devant les lions de Daniel et le discours d’effroi apocalyptique de Jésus, le frère Raymond Latour, O.P., nous rappelle que ces textes sont avant tout des appels à l’espérance et à la persévérance en le Dieu vivant.

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Prédication

La fin de l’année liturgique nous sert des récits assez glaçants. Allons, un peu de sang-froid, et tentons de les accueillir !

Y a-t-il situation plus inconfortable que celle de Daniel dans la fosse aux lions! « Entrer dans la fosse aux lions », voilà le sort symbolique que toute personne redoute. Voici comment un dictionnaire comprend cette expression : « Entrer dans la fosse aux lions » signifie à la fois affronter un danger, ou quelque chose de particulièrement désagréable, comme le suggère le nom « fosse » (fosse septique, fosse commune). Il peut aussi s’agir de se confronter à un public sans pitié dans son jugement et/ou dans ses attitudes. La fosse aux lions de Daniel, qui n’avait pas de spectateurs, a fini par intégrer les jeux du cirque, les combats de gladiateurs et plus récemment, l’écran du monde médiatique. Redoutable !

Dans le récit, tout comme dans la définition qui précède, il s’agit d’un choix. Daniel aurait pu éviter la fosse aux lions, si seulement il s’était conformé à l’édit du roi, et s’était au moins abstenu pendant 30 jours de prier son Dieu. Nous pouvons toujours éviter la fosse aux lions au prix de quelques compromissions suivies de belles rationalisations.

Mais le pieux et fidèle Daniel a plutôt décidé de continuer à prier son Dieu et de faire face à la musique, éventuellement au rugissement des lions…

Quel tyran n’a pas usé de ce stratagème, faire jouer la peur contre la fidélité, faire jouer la peur pour contraindre à l’obéissance ? En politique, on ne le voit que trop fréquemment, les grands principes sont souvent bafoués pour différents motifs de crainte : pour ne pas s’aliéner un certain électorat, pour ne pas déplaire à un despote et les personnes qui le suivent servilement. La liberté d’expression se fait bâillonner, des mouvements populaires sont réprimés, des vérités sont tues pour ne pas subir les foudres d’un puissant. Ou en certains milieux, des démagogues se gagnent l’opinion publique pour établir des mesures régressives ou injustes qui favorisent des intérêts financiers étrangers au bien commun. Qui oserait s’y opposer serait voué aux gémonies. Dans la fosse aux lions, c’est la liberté qui fait face à la peur. Dur combat !

Dur combat qui se poursuivra jusqu’à la fin des temps, semble nous prévenir l’évangile d’aujourd’hui avec son discours apocalyptique. À la fin, Dieu nous sauvera de la griffe des lions, mais risquerons-nous la confiance jusqu’au bout ?

Jérusalem est au centre du grand mouvement de désarroi qui secoue l’évangile. Le lieu où convergeait la piété d’Israël est devenu un lieu à évacuer de toute urgence. L’idole y trône désormais. Bientôt, annonce-t-on, Jérusalem sera foulée aux pieds. Mais ce futur, c’est déjà du passé pour qui écoute l’avertissement. Puis, la vision quitte l’enceinte de Jérusalem pour prendre des dimensions cosmiques : l’effroi est à son paroxysme. Comprendre : les chrétiens où qu’ils soient, personne n’est à l’abri ! Il faut tenir bon, persévérer.

La lumière du soleil, de la lune et des étoiles n’a plus rien de rassurant, sur terre, l’affolement est complet et les flots mugissent. Le crescendo apocalyptique monte encore d’un degré : voici que les puissances des cieux sont ébranlées. Le monde semble devenu une immense fosse aux lions. Personne ne pourra s’en échapper !

Quand l’intensité dramatique est à son comble, voici que l’évangéliste, qui a su ménager ses effets, contre toute attente, nous présente la vision d’un Fils de l’homme qui surgit avec puissance et grande gloire. Comme si toute la noirceur et la terreur qui précédait n’avaient servi qu’à manifester avec plus d’éclat le salut final.

La liturgie, avec un déploiement d’images vigoureuses, nous a présenté aujourd’hui la grande bataille de l’espérance. Quand les temps sont durs, la porte de sortie n’est pas toujours évidente… Les situations oppressantes peuvent étouffer la foi. Même pour qui fixe son regard en attente de salut, Dieu n’est plus visible. « Dieu, vois ma misère et ma peine ! » le suppliera-t-on du fond de sa détresse, mais aucun secours ne nous parvient. Dieu aurait-il oublié ? Ne prend-il pas en pitié celui qui attend de lui la délivrance ? Dans ces circonstances pénibles, Daniel et l’évangile d’aujourd’hui n’ont qu’une recommandation : « redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Fais-nous vivre à tout moment, Seigneur,
dans l’amour et le respect de ton saint nom,
toi qui ne cesses jamais de guider
ceux que tu enracines solidement dans ta charité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.