Prédication, 33ème dimanche du temps ordinaire

16 novembre 2025

Persévérance

En ce dimanche, le père Gilles Routhier nous pousse à une réflexion profonde sur ce qui maintient notre sentiment de sécurité en ce monde changeant, sur qui ou quoi nous faisons reposer notre espérance en cette vie et notre persévérance face aux difficultés.

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Prédication

Ça devait être assez intimidant de faire la conversation en présence de Jésus. À chaque fois, il intervenait dans la conversation et corrigeait les disciples, recadrant leur manière de voir. Cette fois-là, les disciples, se retrouvaient dans la grande ville, Jérusalem. On peut aisément imaginer la scène : ces jeunes Galiléens, pour plusieurs fils de pêcheurs, n’avaient jamais vu rien de tels. Devant le temple, ils écarquillaient les yeux, admirant la beauté des pierres et la splendeur de la construction. Jésus les tire de leur rêverie et les ramène à la réalité. Il vient briser leur enthousiasme et leur émerveillement. De ce que vous voyez, dit-il, il ne restera pas « pierre sur pierre. Tout sera détruit. », révélant du coup la vanité de tout cela et, surtout, qu’on ne peut pas placer son assurance dans le temple. Avouez que c’est un peu choquant. Pourquoi n’est-il pas, lui aussi, transporté d’admiration? Mais ce n’est pas la première fois qu’il vient corriger leur manière de voir. Ils en ont presque l’habitude.

Son regard lucide et désenchanteur perçoit une autre réalité que la leur et il est décidément plus perspicace qu’eux. Du coup, ils sont stupéfaits. Si le temple est ruiné, ce qui est déjà arrivé, qu’est-ce qu’il en sera du reste? Qu’est-ce qui est assez solide pour tenir, pour résister? Ce sera l’abomination de la désolation.

Cette prédiction sombre devient l’amorce d’une question : quand donc cela va-t-il arriver? Et quel seront les signes annonciateurs de la fin? Et le voilà qui s’esquive, refusant d’entrer dans leur débat sur le moment et les signes annonciateurs, frustrant du coup leur curiosité. Sa réponse les invite plutôt à vivre le temps présent, avec sagesse, vigilance, discernement, confiance et persévérance, en se gardant, d’une part, de se laisser tromper par les beaux parleurs (les faux prophètes), d’autre part, de vivre angoissés en raison des désordres du monde et, enfin, d’être terrifiés en face de l’hostilité et la violence qu’ils auront à affronter, sachant qu’en tout cela, leur défense sera assurée et qu’ils vivront sous sa protection.

Il ne devise pas sur les derniers temps comme ils l’auraient souhaité, car sa réponse porte sur ce qui arrivera « avant tout cela », c’est-à-dire ce qu’il faut traverser. Il les ramène à l’histoire chaotique et trop souvent violente dans laquelle il est lui aussi plongé et qu’eux aussi auront à affronter, l’histoire marquée par des désordres et des contradictions apparemment désespérantes.

Temps de discernement, si l’on ne veut pas se laisser tromper ou être égarés par ceux qui jouent au messie, se présentant comme détenteur de la vérité, et qui veulent nous entraîner derrière eux; temps de discernement si l’on veut reconnaître le véritable Messie, venant dans l’humilité et reconnaître le Royaume présent au milieu de nous. Temps de discernement encore si l’on ne veut pas être séduits par des illusions trompeuses.

Vivre avec sagesse aussi, si l’on ne veut pas être paralysé par la peur et l’angoisse en face des événements tragiques de l’histoire et de ses convulsions déroutantes, expressions du mal qui ne cesse d’agir. Le disciple ne doit pas se laisser terroriser ni abattre par tout cela. Il doit plutôt vivre ce temps comme appel à la conversion et lieu de l’exercice de la miséricorde. Temps surtout au cours duquel il ne faut pas perdre confiance en la parole de Jésus qui promet assistance et protection.

Temps surtout de la persévérance, car tout cela peut nous ébranler, nous faire abandonner, démissionner. Ce que nous avons à vivre, c’est la persévérance, car cette histoire chaotique est le temps du témoignage, de la martyria. Persévérance, parce que c’est parfois usant de tenir dans ce monde où tant de désordres nous paraissent absurdes; persévérance, parce qu’il est difficile d’affronter les vents contraires et l’adversité; persévérance parce qu’il faut du courage et de l’énergie pour ne pas baisser les bras et renoncer à vivre l’Évangile au milieu de ces contradictions. La persévérance a un prix élevé, comme le témoignage, le « martyr de l’amour » (Jeanne de Chantal) ou le « martyr au quotidien » (Christian de Chergé).

Dans ce monde, le disciple est appelé à résister et, pour cela, cultiver l’intériorité.

Au long de cette conversation, Jésus a fait cheminer ses disciples. Au début, ils croyaient que ce qui était solide et qui procurait la sécurité, c’était le temple. À la fin, ce qui est solide au milieu de tous les ébranlements, c’est Dieu qui prend notre défense, qui nous fait tenir et résister.

Et vous, disciples de Jésus? Avez-vous cheminé comme ces jeunes Galiléens? Quelle est la source de votre assurance au moment où vous plongez dans le maelstrom de la vie? Croyez-vous que la véritable pierre de fondation qui stabilise vos vies c’est le Christ? Qu’est-ce qui ancre solidement vos existences, qui vous rassure lorsque tout chancelle, lorsque tant de choses semblent absurdes, incompréhensibles? « Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense », que « pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. » Y croyez-vous?

Admiratifs, ils regardaient le temple, pensant y trouver assurance. Ils se retrouvent avec Jésus qui bientôt entrera dans sa passion et qui leur dit qu’il est le véritable temple, qu’il est la pierre de fondation, rejetée par les bâtisseurs, mais qui est devenue la pierre d’angle; qu’il peut les tenir debout, capables de résister, de persévérer alors que vacille et est ébranlé. Y ont-ils cru? Quand tout chavirera au moment de la passion, ils n’auront pas la force de tenir, de persévérer, de témoigner. Il leur faudra attendre la venue de l’Esprit Saint.

Et vous, y croyez-vous vraiment? Voilà la question qui nous est posé : qu’est-ce que nous considérons comme solide et sûr, qui a pour nous valeur de fondement et peut nous rendre inébranlable? A contrario, qu’est-ce qui nous semble faux et illusoire? Qu’est-ce qui, ou mieux, quel est celui qui pourra vous faire tenir dans la tourmente? En qui placez-vous votre confiance?

Je vous souhaite de persévérer avec lui et de rendre témoignage de votre confiance.

Père Gilles Routhier

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu, nous t’en prions :
accorde-nous la joie de t’appartenir sans réserve,
car c’est un bonheur durable et profond,
de servir constamment le créateur de tout bien.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.