31 octobre 2025
Les Pharisiens : des ennemis?
Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous parle des Pharisiens, de leur similitudes et de leurs différences avec Jésus, ainsi que de leur rapport avec les évangélistes et saint Paul.
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS (9, 1-5)
Frères, c’est la vérité que je dis dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint : j’ai dans le cœur une grande tristesse, une douleur incessante. Moi-même, pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais être anathème, séparé du Christ : ils sont en effet israélites, ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles. Amen.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (14, 1-6)
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Or voici qu’il y avait devant lui un homme atteint d’hydropisie. Prenant la parole, Jésus s’adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens pour leur demander : « Est-il permis, oui ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? » Ils gardèrent le silence.
Tenant alors le malade, Jésus le guérit et le laissa aller. Puis il leur dit : « Si l’un de vous a un fils ou un bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer, même le jour du sabbat ? » Et ils furent incapables de trouver une réponse.
Prédication
Dans l’Évangile, nous voyons Jésus qui va manger chez des Pharisiens. Ce mouvement religieux est très fervent et pratiquant. Il met l’accent sur le respect de la Loi dans la vie quotidienne. Il est sensible aux enjeux du pur et de l’impur, qui touche les rituels mais aussi les relations. Il est attentif aux Écritures et espère la résurrection des morts. Rattaché aux synagogues, il est influent dans le peuple.
Jésus a beaucoup en commun avec eux, contrairement aux images souvent négatives que nous en avons. Mais il diffère, entre autres, sur des points fondamentaux, en regard du visage miséricordieux de Dieu, de la primauté des relations avec tous, sans aucune exclusion, et de la relative importance de certaines pratiques. Ici, il les interroge, à partir de leurs propres catégories : est-il permis? Et alors, ils sont coincés, ils ne peuvent répondre! Ils sont plus habitués au rôle inverse : piéger Jésus.
Dans la première lecture, nous avons justement un ancien Pharisien, Paul de Tarse. Il a été formé et engagé dans ce mouvement et, comme d’autres, il s’est opposé au nouveau mouvement religieux juif proclamant que Jésus est le Messie. On connaît la suite. Paul est devenu un disciple de Jésus et un missionnaire actif mais dans le monde païen, i.e. non-juif. Car pour lui, la Bonne nouvelle du Christ vivant est pour tous les humains, quelle que soit leur origine et leur condition. Il a ainsi pris ses distances par rapport à la tradition juive et aux Pharisiens.
Mais nous avons ici un texte très important, qui nous parle des perspectives de Paul mais aussi du rapport des chrétiens aux juifs. Paul considère toujours le peuple juif comme celui de l’Alliance. Dieu s’y est engagé, elle n’est pas rompue. Il voit bien que peu sont devenu croyants en Jésus Christ; et cela le fait souffrir. Mais pour autant, il ne renie jamais ses origines et ses convictions par rapport à son peuple. Lui pour qui le Christ est sa vie, il va jusqu’à dire qu’il est prêt à en être séparé, par amour de son peuple. Ces propos vont très loin. Ils éliminent radicalement toute source et possibilité d’antisémitisme. Le mystère du salut inclut les juifs et les païens. Et son accomplissement relève de Dieu, par-delà nos perceptions limitées.
Ce regard de Paul est essentiel. Il est différent d’autres façons de voir qu’on trouve dans le Nouveau Testament et qui ont pu nourrir l’antisémitisme. Ainsi en Matthieu, la polémique entre les Pharisiens et Jésus est accentuée; et, tout en maintenant des racines dans la Loi, la nouveauté de Jésus et la rupture avec le peuple juif en ressortent. En Jean, cela va plus loin : même si ses récits et discours sont profondément ancrés dans la première Alliance, il se situe souvent en extériorité par rapport à celle-ci; il parle des Juifs, comme si Jésus et les siens n’en faisaient pas partie. C’est très ambigu pour les usages qu’on peut en faire. Heureusement, sur cette question, qu’il y a Paul. Il est pourtant celui qui, en fait, s’est plus distancié de son peuple. Mais il en est resté le plus proche, conscient de l’héritage unique qu’il nous transmettait, et dont Jésus est le don ultime.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Ranime, nous t’en prions, Seigneur,
la volonté de tes fidèles,
afin que, plus ardents à rechercher le fruit de l’action divine,
ils obtiennent de ta bonté de plus puissants secours.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
