Prédication, 29ème jeudi du temps ordinaire

23 octobre 2025

Faire les bons choix

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., adresse des questions difficiles soulevée par l’évangile du jour : que faire quand la foi Jésus nous met en danger? Ou lorsqu’elle menace la paix ou cause la division?

Prédication

Pendant quelques années, à Toronto, j’allais régulièrement visiter des écoles catholiques. Dans l’enseignement religieux, on employait l’expression « faire de mauvais choix » au lieu du mot « péché ». Pourquoi pas ? Cela met l’accent sur le caractère volontaire qu’implique un vrai péché. Ces « mauvais choix » ont aussi des conséquences sur la personne elle-même ou son entourage.

Dans la première lecture que nous avons entendue, saint Paul invite justement à faire les bons choix, en respectant son identité propre qui consiste à être membre du corps du Christ, libéré du péché, promis à la vie éternelle, le don gratuit de Dieu. C’est le choix que nous avons affirmé par notre baptême.

L’Évangile nous prévient toutefois que le bon choix fondamental que nous faisons en accueillant l’Évangile de la grâce, nous expose aussi à connaître des adversités, précisément à cause de notre foi. Dans de telles circonstances, la personne croyante est confrontée à un autre choix, celui de la fidélité dans un contexte d’adversité, voire de persécutions.

Tous les gouvernements totalitaires jouent cette carte à l’endroit de personnes réfractaires au régime : leur opposition peut entraîner des conséquences pour les membres de leur famille… et la menace opère pour dissuader de poursuivre des objectifs politiques comme de réclamer plus de démocratie ou de justice. La répression dépasse l’individu pour atteindre des gens qui ne sont pas directement impliqués dans son combat. Quelle option prendre ? Même chose pour qui veut suivre Jésus Christ. La personne attachée au Christ pourra être prête à aller jusqu’au martyr, mais irait-elle jusqu’à consentir à sacrifier un membre de sa famille qui deviendrait victime de représailles ?

Par ailleurs, les gens recherchent la paix et la sécurité avant toute chose. Si quelqu’un de la famille est impliqué dans un mouvement jugé révolutionnaire ou simplement contestataire, il pourra arriver que la famille ne soit plus une valeur-refuge et que celle-ci, de façon préventive cherche à se dissocier de l’activité incriminée.

Jésus a constaté qu’il ne faisait pas l’unanimité. Les premières communautés chrétiennes ont aussi expérimenté que leur attachement à son enseignement était cause de division à l’intérieur même des familles. Faut-il renoncer à exprimer sa foi pour conserver la paix ? L’Évangile a parfois une portée subversive. Jésus peut devenir un personnage clivant, au point où choisir Jésus et son Évangile semblerait s’opposer à choisir la paix. Faut-il prendre Jésus au mot quand il dit qu’il est venu « mettre la division » ?

La réalité de la division existera toujours et en bien des matières. Les opinions sont partagées sur à peu près tout. Les êtres humains s’attachent à des idées qui sont enracinées dans leurs valeurs. Si celles-ci sont perçues comme absolues, l’intransigeance et l’intolérance ne tarderont pas à se manifester. Dans nos sociétés, nous assistons de plus en plus à des replis identitaires, où les uns et les autres se sentent menacés par des traditions différentes. Le vivre-ensemble ne va pas de soi. Peut-on être divisés entre individus sans être divisés « contre » l’autre ? Comment en arriver à un dialogue sans compromission, dans le respect des identités des uns et des autres ? Une humanité en quête de paix doit affronter ces questions.

C’est là un défi qui pourrait être relevé par « le feu » que Jésus a voulu apporter. Le feu symbolise le jugement, celui qui s’opère par la personne du Christ et éprouve la qualité des entreprises humaines. C’est aussi le feu de l’amour qui consume tout, même les divisions les plus profondes.

Impossible de nier les divisions. Elles ne constituent pourtant pas en elles-mêmes un malheur. Leur seule présence atteste de la richesse de l’expérience humaine et de la liberté que nous avons de professer des convictions différentes, parfois contradictoires. Nous ne sommes pas tous du même moule, mais nous sommes unis dans une commune recherche du bien et du bonheur. L’Esprit du ressuscité nous guide vers la vérité tout entière, qui se dévoile au sein même de nos débats de société. Nous avons tous ensemble à faire les bons choix !

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
fais-nous agir pour toi d’une volonté ardente,
et servir ta gloire d’un cœur sans partage.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.