10 octobre 2025
Une demeure bien gardée
Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., décortique la rhétorique de Jésus en réponse aux accusations des pharisiens de guérir au nom de Satan ainsi que les pistes de réflexions qu’il leur laisse à méditer.
LIVRE DU PROPHÈTE JOËL (1, 13-15 ; 2, 1-2)
Prêtres, mettez un vêtement de deuil, et pleurez ! Serviteurs de l’autel, faites entendre des lamentations ! Venez, serviteurs de mon Dieu, passez la nuit vêtus de toile à sac ! Car la maison de votre Dieu ne reçoit plus ni offrandes ni libations. Prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez les anciens et tous les habitants du pays dans la maison du Seigneur votre Dieu.
Criez vers le Seigneur : « Ah ! jour de malheur ! » Le jour du Seigneur est proche, il vient du Puissant comme un fléau. Sonnez du cor dans Sion, faites retentir la clameur sur ma montagne sainte ! Qu’ils tremblent, tous les habitants du pays, car voici venir le jour du Seigneur, il est tout proche. Jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuages et de sombres nuées. Comme la nuit qui envahit les montagnes, voici un peuple nombreux et fort ; il n’y en a jamais eu de pareil et il n’y en aura plus dans les générations à venir.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (11, 15-26)
En ce temps-là, comme Jésus avait expulsé un démon, certains dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel.
Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous.
« Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé.
« Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse.
« Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s’en va, et il prend d’autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. »
Prédication
Ce récit de Luc met ensemble plusieurs éléments : action, réactions, réflexions. Jésus a chassé un démon muet. L’homme libéré s’est mis à parler et les foules s’émerveillent (11,14). Mais certains réagissent autrement : ils accusent Jésus d’agir au nom du chef des démons ou ils le mettent au défi de faire un signe clair, démontrant qu’il agit au nom de Dieu; cette demande de signe reviendra juste après (11, 29-32). Puis, Jésus répond à ces réactions de façon élaborée, avec plusieurs pistes de réflexion.
D’abord (v.17-20), il utilise l’argument de la division, en lien avec le Royaume. Un royaume divisé court à sa perte, dit-il au début; il termine en évoquant le Règne de Dieu qui advient parmi eux. Si Jésus agit par le doigt de Dieu, il est alors le nouveau Moïse, car cette expression est associée à l’action de Moïse (Ex 8,15). De plus, Jésus répond à ses adversaires en les confrontant à leurs propres actions : leurs disciples chassent aussi les démons, alors en quel nom le font-ils? C’est ici un argument ad hominem.
Une autre réflexion suit (v.21-22), portant sur l’homme fort. On change d’image. Il s’agit d’un gardien bien armé protégeant son palais. Mais un plus fort arrive et il perd tout! Ce plus-fort qui le dépouille, c’est le Christ lui-même, combattant les forces maléfiques, qui aliènent l’être humain.
Puis un propos différent et bref (v.23) s’immisce dans le débat. Il met en contraste ceux qui suivent Jésus et ceux qui s’y opposent, le rassemblement et la dispersion. Ce propos peut étonner, car ailleurs (Mc 9, 40; Lc 9, 50) Jésus a dit plutôt le contraire : qui n’est pas contre nous est pour nous. Ici, cette position de Jésus, dans un contexte plus polémique, invite à faire un choix. On ne peut rester neutre face à l’action de Jésus.
En finale (v.24-26), on revient sur l’expulsion du démon. Celui-ci, une fois chassé, peut revenir, et même avec sept autres! Après une errance au désert (lieux arides), qui est, avec la mer, l’habitat naturel des esprits impurs dans la Bible, il retourne en ce logis propre mais vide. Cela dit la fragilité de nos transformations. Rien n’est acquis et il serait risqué de nous vanter de nos victoires. Pour que cette victoire dure, la maison a besoin d’être habitée par l’Esprit. Il ne suffit pas de faire le ménage.
Ces réflexions diverses de Jésus offrent plusieurs portes pour entrer en conversion : bien comprendre les actions de Jésus qui inaugurent le Règne de Dieu, apprendre à les lire; faire des choix, ne pas demeurer indifférent; ne pas s’imaginer que tout est vite réglé; faire confiance en la puissance libératrice de Jésus, plus forte que les forces de mort et de division. Et simplement, oser nous émerveiller devant des gestes de bonté qui s’accomplissent dans nos milieux.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu, source de tout bien,
réponds sans te lasser à notre appel :
inspire-nous de discerner ce qui est juste
et dirige-nous pour que nous puissions l’accomplir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
