26 septembre 2025
Regardez la croix !
En ce jour où nous célébrons les Martyrs canadiens, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous invite à réfléchir sur les risques que nous sommes prêts à prendre et au don de soi dont nous sommes appelés à faire preuve pour vraiment suivre et voir Jésus.
LIVRE DE LA SAGESSE (3, 1-9)
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait.
Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles.
Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (12, 24-26)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. »
Prédication
Les paroles de Jésus, en Jean, viennent à la suite d’une demande que des Grecs font aux disciples (Jn 12, 20-22) : ils veulent voir Jésus. La réponse de celui-ci à cette demande d’une rencontre peut sembler étonnante : elle n’offre pas un contact immédiat. Il est question plutôt du grain de blé qui meurt et porte fruit, de perdre sa vie et la garder. Face à la demande, un signe est proposé, celui de la croix, celui du mystère pascal, dans son mouvement de don, de la mort à la vie. Un signe à contempler : Vous voulez voir Jésus ? Regardez la croix, c’est là qu’il se donne à voir en vérité.
Mais ce signe, celui de la croix, n’est pas seulement à contempler : il s’agit d’y participer personnellement. Car pour voir Jésus, vraiment, il faut aussi le suivre. Suivre Jésus, c’est entrer dans ce même mouvement, qui renverse les valeurs habituelles : celui qui aime sa vie la perd, celui qui s’en détache la garde. L’engagement à la suite de Jésus appelle à entrer dans une nouvelle dynamique, faite de décentrement de soi et de risque. S’accrocher à soi, par peur de se perdre, mène au contraire à la perte de soi. Alors que la logique du don de soi, paradoxalement, conduit à une vie abondante.
Voir Jésus, puis le suivre : il s’agit là d’un être-avec, jusqu’au bout, jusqu’au fruit abondant, car là où je suis, dit Jésus, sera aussi mon serviteur. Aux disciples qui risquent, est promis une transformation de soi, sous l’amour bienveillant du Père.
C’est le chemin qu’ont suivi saints Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et leurs compagnons, dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Ces six jésuites français, avec deux laïcs, sont appelés les Martyrs canadiens. Ils sont morts au Canada entre 1642 et 1649, au temps de la Nouvelle-France. Ils ont partagé la vie des Premières Nations. Ils y ont annoncé l’Évangile par leur parole et leur écoute, par les images et les liturgies. Ils ont rencontré accueil et conversion, méfiance et hostilité. Finalement, ils ont accepté d’aller jusqu’au bout et de donner leur vie. Ils sont entrés dans un mystère de mort et résurrection, comme un grain de blé tombé en terre qui donne beaucoup de fruit.
Devant la mort, sous ses formes diverses, nous sommes confrontés à un mystère, au sens d’une réalité transcendante, qui nous dépasse et nous attire, qui nous intrigue et qui nous inclut. Par les chemins de haut mystère, disait la poétesse Anne Hébert, nous sommes conduits au bord de l’horizon.
Rendons grâce pour ces témoins qui se donnent, de toutes sortes de manières, au fil des jours et des années, pour semer la Bonne nouvelle et qui portent du fruit. Rendons grâce aussi pour ces expériences qui nous déroutent et nous mènent au bord d’un mystère, au bord de l’horizon. Et pour l’espérance qui nous habite et nous prépare à la fête sans fin, où nous resterons dans l’amour, près de lui (Sg 3,9).
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Tu as voulu, Seigneur Dieu,
que la parole et le sang de tes saints martyrs,
Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et leurs compagnons,
sanctifient les débuts de l’Église en Amérique du Nord;
fais que se lève partout, à leur prière,
une moisson de chrétiens chaque jour plus abondante.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
