Prédication, 23ème jeudi du temps ordinaire

11 septembre 2025

Se vêtir d’amour

Aujourd’hui, Dominique Laperle, laïque dominicain, utilise différentes figures importantes de l’Église pour nous aider à comprendre et mettre en pratique l’amour du prochain qui en a le plus besoin : notre ennemi.

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Prédication

Les deux textes de Luc et de Paul, mis côte à côte, forment une sorte d’habit liturgique. L’Évangile nous donne le tissu — l’amour radical — et saint Paul nous propose la coupe — la manière de le porter. Et comme tout bon vêtement, il faut l’essayer, le porter, et parfois… le raccommoder.

L’amour évangélique : une folie divine

Aimer ses ennemis, bénir ceux qui nous maudissent… Jésus ne nous demande pas de faire ce qui est “raisonnable”. Il nous demande de faire ce qui est divin. Car aimer ceux qui nous aiment, c’est facile. Même les criminels savent parfois le faire. Mais justement, aimer ceux qui nous blessent ? Voilà une autre paire de manches…

Saint Dominique, dans sa mission auprès des albigeois, n’a jamais cherché à les écraser. Il les a aimés, il leur a enseigné et a prié pour eux. Il a fondé un ordre non pas pour dominer, mais pour prêcher — c’est-à-dire pour dialoguer, éclairer, aimer dans la vérité. On raconte qu’il marchait pieds nus, qu’il mendiait sa nourriture, et qu’il passait ses nuits à prier pour la conversion des âmes. Il ne s’est jamais réjoui de la chute d’un adversaire. Il pleurait pour eux. Voilà un amour qui dépasse la logique humaine. Il respecte totalement ce verset de Luc : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » (Luc 6, 27).

Dans sa Somme théologique, Saint Thomas d’Aquin nous rappelle que la charité est la forme de toutes les vertus. Sans elle, même la foi devient stérile. Il écrit : « La charité est l’amitié de l’homme pour Dieu, et par elle, il aime aussi son prochain ». Mais attention : aimer ne veut pas dire être naïf. Thomas distingue bien entre l’amour de bienveillance et l’amour de complaisance. Aimer son ennemi, ce n’est pas approuver ses actes, mais vouloir son bien, et parfois le corriger, avec douceur, cela reprend bien le propos de Saint Paul : « revêtez-vous de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience » (Col 3, 12).

Saint Paul nous invite à nous “revêtir” de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. On dirait presque une liste de vertus dominicaines ! Car dans l’Ordre des Prêcheurs, on ne se contente pas de prêcher la vérité : on la vit, et l’habit blanc, dans sa simplicité, illustre cette simplicité. Ce qui ne veut pas dire que l’habit appelle un comportement mièvre. Sainte Catherine de Sienne, tertiaire dominicaine au tempérament volcanique, savait conjuguer la vérité avec la charité. Elle écrivait : « La vérité sans charité est une épée qui blesse ; la charité sans vérité est une caresse qui trompe ». Elle, qui osait écrire au pape pour lui dire de retourner à Rome, n’était pas une douce rêveuse. Mais elle priait, jeûnait, et aimait profondément l’Église et les âmes. Elle portait la vérité comme un manteau de feu, mais doublé de miséricorde.

Revenons aux thèmes des lectures. Soyons honnêtes : aimer ses ennemis, c’est parfois aussi difficile que de faire un régime pendant les fêtes. On commence avec de bonnes intentions, puis on craque devant la première provocation. Mais l’Évangile ne nous demande pas d’être parfaits tout de suite. Il nous invite à commencer. À faire un pas. À bénir au lieu de maudire. À prier au lieu de ruminer. À pardonner, même si ce n’est pas encore du fond du cœur. Vivre en groupe, en famille, en communauté étudiante ou en communauté de personnes consacrées n’est pas toujours facile. Certaines personnes sont parfois difficiles à aimer. On se dit alors autant se revêtir d’une chappe d’indifférence… Mais il faudra éventuellement lui parler, lui dire quelque chose. Alors, pourquoi ne pas justement retrousser ses manches et lui dire la vérité du défi de cette rencontre. Ne serait-ce pas un premier pas ? Et si on n’y arrive pas ? Eh bien, on recommence. Comme disait le bienheureux Henri-Dominique Lacordaire : « Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas vouloir devenir meilleur ».

En ce jeudi 11 septembre, alors que le monde bruisse de conflits, de rancunes, de divisions, l’Évangile nous propose une autre voie. Une voie exigeante, mais lumineuse : celle de la vérité dans la charité. Ultimement, comme le disait Timothy Radcliffe, « La liberté commence lorsqu’on s’empare du choix qu’on peut faire » (P. 55, Pourquoi être chrétien) et ce choix, comme on dit en québécois : c’est l’amour pi toute ! Alors, si aujourd’hui, vous croisez un « ennemi » ou simplement un voisin un peu grincheux, offrez-lui un sourire. Pas un sourire forcé, mais un sourire évangélique, un sourire habillé de « vérité ». Qui sait ? Peut-être que ce petit acte de charité désarmera plus sûrement que cette humble réflexion !

Dominique Laperle, L.O.P.

 

PRIÈRE

Fais-nous vivre à tout moment, Seigneur,
dans l’amour et le respect de ton saint nom,
toi qui ne cesses jamais de guider
ceux que tu enracines solidement dans ta charité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.