Homélie, mardi, 2e semaine du Carême

18 mars 2025

Pour vous !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., en nous décrivant les quatre pièges liés au à l’autorité et au pouvoir soulignés par Jésus, nous rappelle que nous sommes tous égaux sous un même Baptême, sous l’insigne de Celui qui a fuit le titre de roi et qui a donné sa vie pour le monde.

pour-vous

Homélie

Dans cet extrait de l’évangile de Matthieu, Jésus identifie quatre pièges liés à l’exercice de l’autorité. Il vise certes ceux qui enseignent dans la chaire de Moïse, mais ses remarques peuvent s’appliquer aux parents, aux autorités religieuses dans n’importe quelle religion, d’ailleurs, ou aux autorités politiques, à toutes les personnes en autorité ou investies d’un pouvoir.

Premier piège : « ils disent et ne font pas ». On dit d’un prédicateur qu’il doit prêcher non seulement par sa parole, mais également et surtout par sa vie. Vita et exempla. Selon un commentaire rabbinique : « belles sont les paroles dans la bouche de qui les pratique, beau celui qui les enseigne et beau celui qui les pratique ». Souvenez-nous de ce qu’a dit le Seigneur : « il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur, pour entrer dans le royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21).

Comme je le mentionnais au début de cette homélie, il n’y a pas que les autorités religieuses qui peuvent tomber dans ce piège. Écoutez quelques fois les enfants parler de leurs parents. Ils voient tout et se rendent vite compte de l’écart entre les actes et les paroles de leurs parents.

Deuxième piège : pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service. « Ils attachent de pesants fardeaux, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt ». Alors que l’avoir, le savoir et le pouvoir peuvent être vécus comme de merveilleux moyens de servir, ils peuvent aussi devenir prétexte à la domination. Ce piège devient un piège au carré, quand le pouvoir affirme tirer sa source d’un soi-disant ‘droit divin’.

Troisième piège : vouloir paraître. « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens ». Pas facile d’éviter cet écueil. Qui n’aime pas bien paraître, attirer les remarques flatteuses ? Le P. Lacordaire, restaurateur de l’Ordre en France, raconte une petite anecdote. Il faut savoir qu’il était un très grand prédicateur. Après un sermon, une dame s’approche de lui et lui dit : ‘quelle prédication, quel grand prédicateur !’ Et lui de répondre, ‘Madame, je descendais à peine les marches de la chaire, que Satan me tenait à l’oreille les mêmes propos’. En premier, la Parole, ensuite le prédicateur.

Quatrième piège : se croire important, avoir le goût des honneurs. « Ils aiment les places d’honneur dans les repas ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. » Les décorations, les beaux ceinturons bien larges. Tout cela peut avoir un sens. Il est normal que les mérites soient reconnus. Mais, comme disait un anonyme : « il faut être bien humble pour porter sans ridicule les honneurs ».

Après cette énumération, l’intervention de Jésus prend une autre tournure : POUR VOUS ! Jésus rappelle l’égalité foncière de tous les disciples. Certains exégètes pensent que Matthieu fait dire à Jésus ce qu’il pense de certains chrétiens dans la nouvelle communauté. Quoi qu’il en soit, tous et toutes sont foncièrement égaux dans la communauté. Un des grands mérites du Concile Vatican II est d’avoir justement rappelé que « l’appel à la plénitude de la vie chrétienne […] s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur rang » (LG V, 40). Par le baptême nous sommes tous égaux. Attention de prendre les curés comme les ‘spécialistes du religieux’ et de les mettre à part. N’est-ce pas ce fameux cléricalisme dénoncé par le pape François à l’origine de bien des déviances ?

Tous et toutes, nous devons entendre ce matin l’appel à la conversion : écoutons la parole du Seigneur, cessons de faire le mal. Si nos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. Suivons notre unique maître, vrai par sa parole et sa vie. Il n’a recherché que la volonté de son Père. Il n’a jamais imposé des fardeaux trop lourds, car son joug est léger. Si la croix se profile à l’horizon du disciple, il l’aura lui-même porté. Respectueux de la liberté de chacun, il n’a jamais cherché à s’imposer par la force. Il n’a jamais couru après les honneurs. Au contraire, il a fui quand on a voulu le couronner roi. Et finalement, il mourra comme le dernier des serviteurs. S’étant abaissé, il aura été relevé par Dieu son Père. Mystère que nous célébrons dans chaque eucharistie. Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Avec une inlassable bonté, Seigneur,
veille sur ton Église;
comme, sans toi, l’homme mortel succombe,
puisse ton aide constante nous arracher au mal
et nous diriger vers le salut.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.