Homélie, jeudi de la 7ème semaine du Temps ordinaire

27 février 2025

Faire des pieds et des mains

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à considérer l’importance du respect et de la délicatesse pour aider chacun et chacune dans son cheminement spirituel, surtout lorsqu’il s’agit de potentiels nouveaux venus dans la foi.

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Homélie

La part de fragilité et de vulnérabilité que nous portons tous nous enseigne à compter sur la miséricorde de Dieu et aussi à respecter les personnes de notre entourage qui vivent ces mêmes limites. Cette vérité profonde de notre être n’est pas toujours en évidence.

Ainsi, l’évangile d’aujourd’hui reconnaît que dans une communauté chrétienne, tout le monde n’est pas dans la même situation. Il y a des membres qui sont en position de force et qui ont un rôle défini au sein de la communauté. Il y a aussi « les petits », ceux qui risquent de trébucher, d’être victimes des gens qui détiennent une autorité, les « leaders ». À l’écoute de cet évangile, nous pensons spontanément aux abus dans l’Église, mais l’évangile ne parle pas d’abus, ni même de péché. Pourtant, la matière est assez grave pour que Jésus affirme à propos de celui qui est occasion de chute ou de scandale : « mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules, et qu’on le jette à la mer ». De quelle nuisance s’agit-il ?

Les « petits » dont il est question ne sont pas à assimiler à des enfants. Au plan de la foi, nous sommes tous en croissance, mais ces « petits » seraient des nouveaux-venus à la foi, des gens en provenance du paganisme, des « convertis ». Ils n’auraient pas encore la maturité spirituelle pour comprendre, par exemple, la liberté de et qui ne verrait aucun mal à manger la viande qui avait été offerte aux idoles. Même s’il n’y a là objectivement aucun péché, saint Paul, dans une lettre aux Corinthiens recommande de s’en abstenir si cette pratique devait nuire à un de ces néophytes. La charité doit primer.

Marc insiste sur cette nécessité. Il faut tout faire pour éviter d’être la cause de la chute d’un de ces « petits ». Notre responsabilité est engagée. Personne n’aura à s’arracher l’œil ou la main, mais c’est une manière de dire qu’il faut consentir à tous les sacrifices pour protéger le cheminement de ceux et celles qui pourraient être troublés par une pratique ou une autre, répréhensible ou non. Nous sommes en dehors du cadre permis-défendu. C’est de la délicatesse de la charité dont il s’agit ici, ou d’une foi attentionnée, soucieuse du progrès de tous les membres de la communauté. Nous sommes collectivement engagés au salut de tous. La moindre contribution, même un verre d’eau vaut son pesant d’or. Mais à défaut d’avoir cette charité élémentaire, les croyants et croyantes doivent au moins s’abstenir de devenir un obstacle sur le parcours de foi des autres, spécialement les plus vulnérables. Nous sommes pèlerins d’espérance. Nous marchons ensemble, avec le souci de ne laisser personne à distance.

L’Évangile réprouve tout acte de violence ou d’abus qui atteindrait une personne humaine, surtout en situation de vulnérabilité, qu’elle soit membre de la communauté chrétienne ou non. Mais le passage de notre évangile exige quelque chose de l’ordre de la considération, du respect, de la délicatesse : une intelligence du cœur qui va au-delà de ce que la règle commanderait, un esprit de finesse capable de prévenir des conséquences fâcheuses pour un membre dont le jugement ne serait pas encore bien avisé. Les membres de la communauté sont invités à être vigilants, prévenants les uns pour les autres. La communion fraternelle est en jeu.

Le contraire de cette attitude ressemblerait à de l’orgueil, de l’arrogance. Ce serait l’affirmation d’un individualisme de qui se situe strictement en rapport avec son droit, ses privilèges, sans égard pour le retentissement de son action sur les autres membres : quelqu’un qui s’enferme dans le « je ne fais rien de mal » en se dispensant de ce que la charité ordonnerait.

Les « petits » sont certes appelés à grandir. Mais dans la communauté chrétienne, il importe de les prendre là où ils en sont dans leur cheminement, et surtout de ne pas l’entraver par une pratique qui pourrait être déstabilisante. Tout n’est pas toujours opportun.

Les personnes en situation d’autorité ou de leadership portent une responsabilité plus grande parce que leurs actions sont susceptibles d’un retentissement plus important. Elles ont pour rôle d’édifier la communauté, de s’assurer que chaque membre sera bien respecté dans son cheminement. Cette attitude est bien sûr recommandée pour l’ensemble : nous sommes frères et sœurs, engagés sur un même chemin de foi, nous sommes tous responsables les uns des autres. C’est ainsi que le pas des « petits » sera affermi et que la croissance de toute la communauté sera assurée. L’Évangile nous demande de faire des pieds et des mains pour y parvenir.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
tu as donné à saint Grégoire,
maître de doctrine et honneur du peuple arménien,
la grâce d’enseigner la vie mystique ;
accorde-nous d’apprendre à son école l’art de parler avec toi
et d’éclairer sans cesse notre vie par les sacrements de l’Église.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.