28 décembre 2024
D'abord la joie !
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., souligne la mémoire liturgique des saints Innocents, ces enfants massacrés parce que le roi Hérode se sentait menacé par la naissance à Bethléem d’un enfant, d’un « roi des Juifs ». Celui qui deviendra le signe d’espérance.
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT JEAN (1, 5 – 2, 2)
Bien-aimés, tel est le message que nous avons entendu de Jésus Christ et que nous vous annonçons : Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché.
Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous.
Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n’est pas en nous.
Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (2, 13-18)
Après le départ des mages, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils.
Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages.
Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus.
Homélie
Le récit du massacre des « saints innocents » de la région de Bethléem a beaucoup marqué l’imagination des communautés chrétiennes. Pendant très longtemps, on n’a pas contesté la possibilité d’un événement aussi cruel. Pourtant, à partir des temps modernes, des voix se sont levées, dont celle de Voltaire en France, pour mettre en doute un tel massacre. Ces opposants ne croyaient pas possible qu’un prince puisse ainsi s’attaquer à des petits enfants. Mais les historiens du dernier siècle qui ont étudié la période où le roi Hérode le Grand a été en poste, soit de l’an – 37 avant notre ère à l’an – 4, ont reconnu qu’il est fort possible qu’un tel assassinat de jeunes enfants ait eu lieu. Car le roi Hérode était un tyran sanguinaire et paranoïaque. Il faisait assassiner sans honte les personnes de son entourage politique et familial qui pouvaient lui porter ombrage. Et cette tendance s’est intensifiée à mesure que la fin de son règne se profilait à l’horizon.
Parmi les signes de sa cruauté, on rapporte, que peu de temps après avoir pris le pouvoir, il a fait exécuter 45 notables sadducéens qui étaient encore attachés à Antigonos, le roi qui l’avait précédé sur le trône. Puis il a fait assassiner, en l’an -29, l’une de ses dix femmes, Mariamne, soupçonnée d’une aventure extraconjugale; l’année suivante, en – 28, il a fait assassiner sa belle-mère Alexandra parce que cette dernière entretenait, semble-t-il, des contacts politiques avec des adversaires d’Hérode. Ensuite il fit noyer un de ses beaux-frères. Quelque temps plus tard, de plus en plus habité par la peur de se faire évincer de son trône, il a fait assassiner trois de ses propres fils qu’il suspectait de comploter pour l’évincer du pouvoir. À la lumière de tels gestes de sa part, bien des historiens ont reconnu qu’il était tout à fait envisageable que l’annonce de la naissance d’un « roi des Juifs », à Bethléem, l’ait mis hors de lui-même et qu’il n’ait pas hésité à envoyer ses soldats dans ce village. Même si cette région pauvre ne comptait alors qu’environ 1 000 habitants, il reste que ce sont probablement deux ou trois dizaines de jeunes enfants (peut-être plus) qui ont alors été massacrés.
En considérant cet événement tragique et la menace qui avait alors pesé sur Jésus enfant, divers auteurs spirituels, dès les premiers siècles de notre ère, ont affirmé que déjà les forces du mal commençaient à se liguer contre lui. En d’autres mots, Jésus n’était pas vraiment reçu dans notre monde. Comme l’exprimait l’évangéliste Jean : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1,11). C’est dans cet esprit que bien des commentateurs bibliques diront que la Passion de Jésus se profilait déjà à l’horizon au moment du massacre des « saints innocents ». Pour eux, le mystère de la Passion était préfiguré dans la mort cruelle et arbitraire de ces enfants. En conséquence, il fallait tenir ensemble Noël et la Passion, car ces événements s’éclairaient l’un l’autre. Façon de suggérer que le salut de Dieu, au cours des siècles, est venu s’inscrire dans les enfers que notre monde a connus et continuent de connaître.
Puisse notre Eucharistie, en ce jour, nous donner la force de croire que c’est dans les ténèbres du mal que la force libératrice du Christ Jésus est venu se manifester pour nous rendre capables de vivre dans l’espérance !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
aujourd’hui, sans parler mais en mourant,
les martyrs innocents ont proclamé ta louange ;
fais que notre vie tout entière
témoigne de la foi que notre bouche proclame.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.