25 décembre 2024
Noël et le Jell-O
En cette nuit de Noël, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique pourquoi la naissance de Jésus doit être pour nous un signe de joie et de renaissance constante, une naissance à la joie de la vie en plénitude!
LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (9, 1-6)
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés.
Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À TITE (2, 11-14)
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (2, 1-14)
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre — ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Homélie
Suivant la suggestion de la journaliste Nathalie Pretrowsky, j’ai regardé le film québécois de Noël intitulé ’23 décembre’. Un film difficile à résumer tant il y a de destins qui se croisent. Le film commence dans une cuisine de Charlevoix où une mère met tout son cœur à préparer le réveillon de Noël. Pour contenter ses deux filles, elle modifie ses recettes en utilisant des produits équitables et biologiques. Malheureusement, son mari sera victime d’un malaise cardiaque et devra être hospitalisé à Québec. S’ensuit une série de péripéties, dont une tempête de neige digne de nos hivers d’antan. Mais tout se terminera bien pour l’ensemble des protagonistes en particulier pour notre couple que l’on retrouve, à la fin du film, seul à l’hôpital. Le mari a été opéré avec succès et madame fait manger à monsieur du Jell-o! Et oui, du Jell-o! Mais, pourtant, quelle tendresse! Une scène géniale! Certes, nous sommes bien loin du menu qui avait été planifié. Mais il y a certainement plus d’amour et de joie dans cette chambre d’hôpital qu’il y en aurait eu autour de la table si tout s’était déroulé comme prévu! Tout se termine dans une joie profonde, enracinée dans une subtile connivence et un amour palpable! Du Jell-o! Quoi de plus simple ? Mais que de joie!
Quoi de plus simple que la naissance d’un enfant, mais que de joie? Quoi de plus simple que la naissance de Jésus? Quoi de plus dépouillée? Il naît dans une pauvre étable faute de place dans les auberges de Bethléem. Sa naissance est le ‘Jell-o’ des naissances et pourtant quelle joie! Joie de Marie et de Joseph! Joie des anges qui chantent! Joie des bergers qui découvrent le nouveau-né! Noël, naissance de l’Enfant Jésus! Noël, naissance de la joie!
Oui, naissance de la joie. En effet, toute la vie de Jésus se déroulera sous le signe de la joie et de la renaissance. Tout sera joie et nouvelle naissance pour ceux et celles qui l’accueilleront. Joie de l’aveugle Bartimée qui, recouvrant la vue, veut suivre Jésus. Joie des lépreux, qui, guéris, d’exclus deviendront des membres à part entière de leur communauté. Joie des personnes paralysées qui pourront se lever, prendre leur grabat et marcher. Joie de Zachée, ce collecteur d’impôt à la solde des envahisseurs, qui, méprisé en raison de son métier, deviendra un être de partage. Joie de la femme adultère qui, non seulement, échappe à la lapidation, mais dont la vie prend une nouvelle direction quand elle entend « va et ne pèche plus ». Joie de Marie-Madeleine qui, libérée de ses fautes et de sa culpabilité, renaît à la véritable Marie-Madeleine qu’elle peut être! Joie des personnes possédées qui, une fois délivrées de leurs démons intérieurs, naîtront à une vie de liberté! Joie de tous les disciples de Jésus qui, libérés du joug de la Loi, apprennent qu’ils sont appelés à une vie d’amour et de liberté. Joie du chef de la synagogue de Naïm dont la petite fille de 14 ans est ramenée à la vie par la seule parole de Jésus. Joie de Pierre, qui, croisant le regard de Jésus après l’avoir renié trois fois, se sait pardonné et devient le premier des apôtres. Joie du larron sur la croix qui s’entend dire « Aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ». Même la croix du Christ, moment de ténèbres, où la mort semble étouffer toute possibilité de joie, est source de vie et de joie: Christ est mort! Christ est vivant! Avec lui, nous et notre monde avec toutes ses laideurs sommes appelés à la joie de la naissance d’un monde et d’un ciel nouveaux! Le ciel qui, la nuit de Noël, s’est ouvert pour que les anges viennent éclater de joie s’ouvre à nouveau pour qu’à la suite de Jésus nous naissions à la joie de la vie en plénitude!
Noël! Joie! Noël! Naissance! Noël! Renaissance!
Le magazine français ‘Le nouvel observateur’ pour souligner son soixantième anniversaire a publié, il y a quelques semaines, un numéro spécial intitulé ‘le pouvoir de la joie’. Plusieurs personnalités françaises y ont participé en partageant les raisons de leur joie. Par exemple, pour Patrice Luchini, ce grand acteur français, sa joie est de réciter du Victor Hugo devant des centaines de personnes. Pour un autre, ce sera de faucher l’herbe le matin ‘alourdie de rosée’ ou encore de chanter, ou de cueillir des champignons, d’écouter une symphonie.
Au-delà des témoignages, ce qui m’a vraiment frappé est surtout le titre du numéro ‘le pouvoir de la joie’. Alors que celui-ci traitait également des nouvelles de la semaine dont les atrocités commises à Gaza et le procès des viols de Mazan, l’éditrice osait écrire : « Oui, la joie est puissante, pour peu qu’on la provoque, qu’on la cultive ou la chérisse ». La joie est puissante, qui le croirait? Mais, mon Dieu, qu’elle a raison, surtout en cette nuit de Noël!
À toutes ces nombreuses joies qui peuvent peupler notre quotidien pour peu que nous sachions les reconnaître, ce soir, s’ajoute la joie des joies, cette joie que rien ni personne ne peut nous ravir : une joie puissante de vie! Une joie non pas égocentrique, centrée sur notre petit moi, une joie non pas consumériste, se nourrissant de l’accumulation de biens souvent inutiles, mais une joie qui ouvre, une joie qui propulse vers une nouvelle vie, vers un nouveau monde de paix, de concorde, de justice et d’amour! Jésus, ce soir, nous offre avec lui cette joie. La joie de Jésus, même dans sa fragilité et sa pauvreté, est la seule joie véritablement puissante! Accueillons-la, chérissons-la et cultivons-la!
Tels sont mes vœux en cette soirée de Noël : accueillir la joie de Noël, la chérir et la cultiver! En terminant, j’espère qu’au réveillon qui suivra vous mangerez autre chose que du Jell-o! Mais s’il n’y avait que du Jell-o, c’est toujours Noël! C’est toujours la joie! Joyeux Noël!
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu as fait resplendir cette nuit très sainte
des clartés de la vraie lumière ;
nous t’en prions,
puisque nous reconnaissons la splendeur des mystères
du Christ sur la terre,
accorde-nous aussi de goûter pleinement
sa joie dans le ciel.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.