Homélie, Dimanche de la Joie

15 décembre 2024

Que devons-nous faire?

En ce dimanche de la Joie, le frère André Descôteaux, O.P., nous rappelle que ce que nous devons faire en tant que disciples de Celui qui vient c’est partager une joie ouverte, solidaire et juste.

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Homélie

Que devons-nous donc faire?

Question dangereuse, car elle est posée à un prophète, vivant dans le désert, portant un vêtement de poils de chameau et se nourrissant de miel et de sauterelles! Question dangereuse, car ce prophète vient de traiter ses auditeurs d’engeance de vipères et de les avertir : ils ne seront pas sauvés parce qu’ils se croient de la descendance d’Abraham. « Vous dites, nous avons Abraham pour père, eh bien moi je vous dis, Dieu peut de ces pierres faire surgir des enfants à Abraham ». Ces versets qui précèdent immédiatement l’évangile de ce jour n’ont pas été retenus dans le découpage du texte évangélique, mais ils mettent bien en lumière le risque que prennent les foules quand elles demandent au Baptiste « que devons-nous donc faire »?

En effet, il pourrait leur demander de tout quitter, cesser leurs occupations et de venir le rejoindre dans le désert pour mener une vie austère de pénitence. Ou encore, tout en les laissant là où ils sont, il pourrait leur imposer de lourds fardeaux, des prières ou des pratiques ascétiques. Sera-t-il un de ces gourous exigeant tout de la part de ceux qui l’écoutent?

Que dit-il?

Tout d’abord : partager! « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ». Aux gens de la foule, il recommande de renoncer à garder égoïstement ce qu’ils ont pour entrer dans la solidarité concrète avec les démunis. Ce faisant, Jean le Baptiste se situe dans la droite des lignes des prophètes qui invitaient à se soucier du sort des plus démunis et, en particulier, de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger. Sa réponse ne nous rappelle-t-elle pas Zachée qui, en signe de sa conversion, en plus de décider de réparer ses torts, veut partager sa fortune avec les pauvres?

Aux publicains, ces collecteurs d’impôt, qui s’enrichissaient aux dépens de leurs compatriotes, Jean les invite à la justice. Les autorités romaines fermaient les yeux sur les sommes recueillies par les collecteurs d’impôt, pourvu que ces derniers perçoivent le montant de taxes requis. Il n’en va pas ainsi pour le Baptiste. « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé! » Soyez honnêtes! Ne profitez pas de la situation pour vous enrichir aux dépens de vos compatriotes! Ne privez pas autrui de ce qui lui revient. Ne soyez pas voraces! Remarquez que, même si le jugement est sur le point de se manifester, il n’enjoint pas aux publicains de cesser leur collaboration avec l’envahisseur romain. Il leur demande simplement d’être intègres! C’est déjà énorme!

Aux militaires, même principe. Ils n’ont pas à quitter l’armée, mais ils ne doivent pas user de violence excessive. « Ne faites violence à personne, n’accusez pas à tort; et contentez-vous de votre solde ». Ce n’est pas parce que vous êtes armés que tout vous est permis. Pas question de piller, de violenter les vaincus et encore moins de violer les femmes! Cette exigence du Baptiste est encore malheureusement actuelle. Combien d’horreurs sont commises aujourd’hui par des bandes armées, en particulier, sur les femmes!

Nous voyons bien que Jean Baptiste ne demande pas de le suivre comme un gourou, de fuir sa famille, son travail, ses obligations, son milieu pour se réfugier dans le désert pour le suivre, mais il demande un changement concret et fondamental de comportement basé sur le partage, l’attention aux autres, l’honnêteté, la droiture et la justice!

Sont absentes de ses exigences : la prière, le jeûne, l’ascèse, les sacrifices expiatoires. Elles portent essentiellement sur le comportement social de chacun et de chacune et peuvent ainsi s’appliquer à tous et à toutes, juifs ou païens, croyants ou incroyants. Cela me fait penser à cette parabole du jugement dernier en Mathieu où il est question de nourrir le pauvre, de guérir le malade, de visiter le prisonnier et non d’observances cultuelles. Les demandes de Jean ont une portée universelle qui dépasse les époques.

Ainsi, je serais bien curieux de savoir ce qu’il demanderait aujourd’hui aux financiers dont les fortunes dépassent tout entendement? Qu’exigerait-il des politiciens, qui normalement devraient être au service du bien public? Ou encore, aux journalistes friands de nouvelles spectaculaires? Que nous dirait-il à nous qui nous préparons à Noël où nous célébrerons la venue de celui qu’il annonce, celui qui baptisera dans l’Esprit Saint ? Que nous demanderait-il?

Ce dimanche est le dimanche de la joie. Le mot éclate du début à la fin de notre eucharistie. Le Seigneur est proche! « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, je le redis, soyez dans la joie », comme le dit saint Paul qui rajoute immédiatement « Que votre bienveillance soit remarquée de tous les hommes ». Comme si la joie, la vraie joie ne peut s’habituer à la misère, l’injustice, la malhonnêteté. C’est ce que nous dit le pape François où il oppose deux joies. ‘Je ne parle pas de la joie consumériste et individualiste si répandue dans certaines expériences culturelles d’aujourd’hui. Car le consumérisme ne fait que surcharger le cœur; il peut offrir des plaisirs occasionnels et éphémères, mais pas la joie. Je me réfère plutôt à cette joie qui se vit en communion, qui se partage et se distribue, car « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35)’.

Voilà la joie à laquelle nous sommes invités. Une joie ouverte ! Une joie solidaire ! Une joie juste ! Soyons sensibles à toutes ces personnes pour lesquelles Noël est un moment de tristesse qui doit être passé le plus rapidement possible. Comment pouvons-nous être dans la joie alors que, près de nous, des parents n’ont rien ou si peu à donner à leurs enfants, alors que des enfants sont malheureux parce qu’oubliés par le Père Noël, alors que des personnes âgées ou malades vivent isolées ?

Que devons-nous faire, nous, disciples de celui qui vient ? Certes, suivre les enseignements du Baptiste, mais surtout laisser jaillir l’Esprit reçu à notre baptême pour que nous produisions les beaux fruits de la charité, de l’ouverture à l’autre, de la justice, de l’intégrité, de la paix, du don de soi et du service. C’est alors que nous goûterons tous et toutes ensemble à la vraie joie de Noël !

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Tu le vois, Seigneur Dieu,
ton peuple attend avec foi
la fête de la naissance de ton Fils ;
nous t’en prions, accorde-nous de parvenir
au bonheur d’un tel salut,
et de le célébrer solennellement
avec une joie toujours nouvelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.