Homélie, mercredi de la 27ème semaine du Temps ordinaire

9 octobre 2024

Grandir ensemble en Église

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique que les tensions au sein de la haute hiérarchie de l’Église ne sont pas choses nouvelles et nous rappelle que ce qui doit prévaloir, au travers des tâtonnements de l’Église et du monde, c’est la Bonne Nouvelle d’Amour du Christ Jésus.

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Homélie

Les médias nous informent assez régulièrement des incompréhensions que le pape François rencontre dans ses prises de position pastorales. Publiquement, des cardinaux et des évêques prennent la parole pour dire qu’ils s’opposent à certaines de ses décisions. L’une des dernières décisions qu’il a prises en décembre 2023, c’est celle d’accorder, en dehors d’un cadre liturgique, la bénédiction des couples homosexuels ou irréguliers. Avec cette décision, le pape a voulu se montrer proche des fidèles. Son souci, c’était de manifester que l’Église s’occupe de tout le monde. Mais sa décision a engendré une réaction très vive de la part d’une partie du clergé. En effet, les évêques et les cardinaux des pays d’Afrique en particulier — ils ne sont pas les seuls — ont manifesté ouvertement leur refus d’appliquer une telle politique pastorale dans les diocèses dont ils ont la responsabilité. À ce point que le Vatican, en 2024, a dû faire un pas en arrière en apportant des nuances à sa proposition de la bénédiction des couples homosexuels.

Or, bien des catholiques ordinaires ont été scandalisés quand ils ont appris que des évêques et des cardinaux, en bloc, se sont permis de contester l’autorité pastorale du pape. À leurs yeux, une telle dissension de leur part était inacceptable. Et pourtant, dans l’histoire de l’Église, de telles confrontations entre un pape et des membres importants de la hiérarchie se sont produites plus d’une fois. L’extrait de la lettre aux Galates que nous avons lu tout à l’heure rapporte comment l’autorité de l’apôtre Pierre, chef de l’Église, a été ouvertement contestée par l’apôtre Paul. Pour Paul, l’apôtre Pierre ne marchait pas selon la vérité de l’Évangile en se montrant plus proches des chrétiens d’origine juive que des chrétiens d’origine païenne. À cause de la pression sociale exercée par la présence de chrétiens de la communauté de Jérusalem, Pierre s’est montré faible et incohérent. Son attitude, aux yeux de Paul, ne reflétait pas ce que Jésus avait proposé à travers sa pratique et son enseignement.

En lien avec ce phénomène de trahison plus ou moins consciente de l’Évangile, le théologien Dominique Collin (cf. Le Christianisme n’existe pas encore, 2019) affirmait, il y a quelques années, que les chrétiens d’aujourd’hui en arrivent à pervertir l’Évangile dans le but de le rendre plus acceptable dans les sociétés où ils sont présents. Ils le font avec le désir d’assurer l’avenir de l’Évangile et de l’Église. Mais ce désir les amène souvent à faire de mauvais choix. Ils en viennent même à ne pas tenir compte de l’écart profond entre l’humanisme séculier et la vision évangélique de la vie. Ils ne retiennent pas que l’Évangile nous élève à une possibilité d’exister qui transcende toute possibilité simplement humaine de survivre. La vision évangélique, en effet, fait éclater les frontières, elle bouscule les traditions religieuses et culturelles, elle ne se laisse pas enfermer dans les idéologies contemporaines.

Mais voilà : le défi que doivent relever tant les chrétiens ordinaires que les autorités ecclésiales, c’est d’en arriver à lire avec une juste lucidité spirituelle et pastorale la réalité des sociétés diverses dans lesquelles ils sont plongés. Et pour ce faire, notons-le, ils sont profondément conditionnés par leurs héritages religieux, par leur culture propre, et même par la situation politique de leurs pays. Ce conditionnement vient souvent contrecarrer le travail de l’Esprit Saint. Il arrive que des décisions pastorales boiteuses soient prises ou que les opposants aux décisions de l’autorité se montrent aveugles. Nous pouvons le déplorer, mais ne pas trop nous en surprendre. Dans l’univers de la foi à vivre au quotidien, les tâtonnements sont normaux. Apprenons à reconnaître que Dieu sait faire son chemin même si les détours qu’il fait nous surprennent et nous frustrent. Sachons surtout reconnaître que son amour va nous mener à la vie en plénitude.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Nous t’en prions, Seigneur,
que ta grâce nous devance
et qu’elle nous accompagne toujours,
pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.