27 septembre 2024
Un temps pour tout
Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., met en lien la sagesse de Qohèleth sur le temps qui passe, celle du Fils de Dieu qui se soumet au temps pour accomplir sa mission jusqu’au bout et la sagesse d’amour dont Saint Vincent de Paul a su faire preuve.
LIVRE DE QOHÈLETH (3, 1-11)
Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour construire. Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour gémir, et un temps pour danser.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les amasser ; un temps pour s’étreindre, et un temps pour s’abstenir. Un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler. Un temps pour aimer, et un temps pour ne pas aimer ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
Quel profit le travailleur retire-t-il de toute la peine qu’il prend ? J’ai vu la besogne que Dieu impose aux fils d’Adam pour les tenir en haleine. Toutes les choses que Dieu a faites sont bonnes en leur temps. Dieu a mis toute la durée du temps dans l’esprit de l’homme, mais celui-ci est incapable d’embrasser l’œuvre que Dieu a faite du début jusqu’à la fin.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (9, 18-22)
En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Au dire des foules, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean le Baptiste ; mais pour d’autres, Élie ; et pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. »
Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Pierre prit la parole et dit : « Le Christ, le Messie de Dieu. »
Mais Jésus, avec autorité, leur défendit vivement de le dire à personne, et déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Homélie
Les temps de nos vies. Il y a un temps pour tout, nous dit le sage Qohèleth dans la première lecture. Il nous présente une succession de temps contrastés. Parfois, le premier membre de l’opposition est positif, parfois négatif. Nous passons notre vie en basculant de l’un à l’autre pôle. Tout y passera, et nous y passerons.
Le temps passe et nous emporte dans son courant, inexorablement. Nous ne sommes jamais fixés dans le bonheur ou le malheur. Un temps pour tout. Tout ne fait qu’un temps. Est-ce une invitation à la docilité, à accueillir avec sérénité ou fatalisme ce temps, celui de notre condition humaine ? Les moments seront tantôt heureux, tantôt malheureux. Le sage-poète nous les présente comme si nous n’y avions aucune prise. Nous y sommes soumis. Le temps est notre maître, et Dieu est Maître du temps. Le dosage des réalités que nous jugeons bonnes ou mauvaises lui appartient. Et le sage Qohèleth nous laisse avec la conviction que c’est l’œuvre de Dieu qui s’inscrit dans le temps.
Dans l’Évangile, Jésus semble avoir une maîtrise du temps. Il discerne ce qu’aucun de ses disciples n’a pu pressentir : le temps vient où le Fils de l’homme connaîtra la souffrance et la mort. Il annonce à ses disciples que cette heure viendra, inéluctable. Mais lui aussi, comme Qohèleth y voit l’œuvre de Dieu ; il sait que par le don de sa vie, Dieu réalisera l’œuvre du salut. Jésus n’embrasse pas la fatalité mais le dessein de Dieu. Il sera victime d’une profonde injustice, mais c’est librement, avec lucidité, qu’il ira jusqu’au bout de sa mission. En acceptant d’obéir à Dieu son Père, Jésus a ouvert un temps nouveau pour l’humanité, un temps qui récapitule tout.
Les chrétiens et chrétiennes ont suivi cette voie de l’amour, de la vie donnée. Saint Vincent de Paul a illustré au plus haut point cette primauté de la charité. Il en a été témoin et a voulu l’étendre le plus possible par la fondation de deux communautés qui soient au service des plus défavorisés. Son inspiration a été plus tard reprise pour donner naissance à divers organismes caritatifs. Dans nos milieux, ces œuvres font référence. Il n’est pas rare d’entendre, dans nos sociétés d’abondance, « on va donner cela à la Saint-Vincent-de-Paul », l’intermédiaire à travers lequel s’exerce une charité de proximité, un lien entre les gens qui ont des surplus et ceux qui sont dépourvus.
Si les temps sont indifférents, apportant tantôt le bonheur, tantôt le malheur, la charité, elle, est présence et attention au moment présent. Elle se réjouit avec qui est dans la joie, et pleure avec les personnes attristées.
Saint Vincent-de-Paul, « monsieur Vincent », dirait sans doute qu’il y a toujours un temps pour la charité et que la charité est pour toujours. Tout passe, mais la charité demeure en vie éternelle.
Fr. Raymond Latour, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu as donné au prêtre saint Vincent de Paul
toutes les qualités d’un apôtre
afin de secourir les pauvres et de former les prêtres ;
accorde-nous la même ferveur pour aimer ce qu’il a aimé
et pratiquer ce qu’il a enseigné.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.