21 avril 2024
Le bon pasteur
En ce dimanche de la Journée mondiale de prière pour les vocation, le frère Daniel Cadrin, O.P., examine avec nous la figure du Bon Pasteur qui a marqué les chrétiens dès leurs débuts et qui est restée une image très forte dans l’Église d’aujourd’hui.
LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (4, 8-12)
En ces jours-là, Pierre, rempli de l’Esprit Saint, déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes interrogés aujourd’hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l’on nous demande comment cet homme a été sauvé.
« Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d’Israël : c’est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT JEAN (3, 1-2)
Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu.
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (10, 11-18)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
« Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
« Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Homélie
Dans notre année liturgique, nous sommes actuellement dans le temps pascal, le temps de la résurrection. Peut-être n’est-il pas à part des autres temps, mais il les traverse, les habite, pouvant leur donner un élan vers l’avant et une perspective plus large. Car c’est un temps des passages, de la pâque, d’un mouvement vers la lumière et la joie, au plus intime de nos vies. Et qu’est-ce qui rayonne au centre, au cœur, de ce temps pascal? C’est la figure de Jésus le Vivant, par-delà les ténèbres de la mort et de l’abandon. C’est le visage du Christ élevé en gloire, aux bras ouverts, nous entraînant vers un temps durable, qui nous donne déjà confiance et consistance.
Que nous dit, que nous montre, la Parole aujourd’hui à propos de ce visage du Ressuscité? Plusieurs images sont présentes. Dans les Actes, Jésus est la pierre d’angle pour bâtir nos vies, le nom qui sauve pour relever nos vies. Dans la 1ère lettre de Jean, il est le don d’un amour qui nous fait tous enfants de Dieu, et ainsi frères et sœurs les uns des autres, pour vivre ensemble. Dans l’Évangile, c’est l’image de Jésus le bon pasteur. C’est une image simple et forte, et très évocatrice.
Pour les lecteurs des Écritures de la première Alliance, elle rappelle le visage du Dieu vivant et de son Roi-Messie à venir : les Prophètes et les Psaumes les présentent comme de vrais bergers qui se préoccupent du peuple, qui ne l’abandonnent pas, contrairement aux dirigeants royaux. Jésus en Jean s’applique cette image à lui-même : Je suis le bon pasteur. Cela dit qu’il est le visage du Dieu fiable et engagé et qu’il est son envoyé mettant en œuvre sa bienveillance.
Cette figure du bon pasteur fut la première utilisée dans l’art chrétien pour montrer le visage du Christ Jésus, dans la statuaire, les fresques des catacombes, les mosaïques. Image parlante et symbolique, celle d’un jeune homme avec une ou des brebis, en prenant soin, avec affection. Les chrétiens des premiers siècles ont privilégié ce visage d’un Jésus attentif, relationnel et donné. Cela peut encore nous toucher.
Et dans le langage de la vie de l’Église, l’image du bon pasteur est passée avec influence. J’ai travaillé des années à l’Institut de pastorale, ce qui vient justement du mot pasteur. Et en Église, on parle des pasteurs, des agents de pastorale, de services pastoraux, de théologie pastorale, etc. C’est très signifiant, car il s’agit ainsi de témoigner de ce visage d’un pasteur bon, bienveillant, soucieux des plus égarés.
Cette image, dans l’évangile d’aujourd’hui, suggère plusieurs attitudes qui peuvent inspirer les nôtres aujourd’hui. Le pasteur bon vit dans un monde de relations et de personnes. Il est attentif à chacun, il connaît ses brebis personnellement et cette connaissance est réciproque. Il prend soin de chacune et de l’ensemble. Et il s’engage pour elles, il n’est pas limité à des tâches à remplir pour gagner sa vie. C’est sa personne même qu’il donne dans ses engagements. Il prend des risques pour protéger les siens. Son univers est vaste, plus large que sa bergerie actuelle. Son attachement et sa générosité ne l’enferment pas dans le monde immédiat de ses proches. Il porte le souci d’autres brebis à venir et de l’unité de toutes les bergeries entre elles.
Ce dimanche, dans l’Église universelle, est celui de la Journée mondiale de prière pour les vocations. Le bon pasteur, dans ses attitudes, a de quoi inspirer toutes sortes de vocations, presbytérales, laïques, religieuses, et des nouvelles à venir. Vocation veut dire appel. Devenir un bon pasteur, de diverses manières, dans des engagements personnels, généreux et risqués, dans une relation confiante avec le Dieu vivant, voilà un appel inspirant et vital. C’est un appel à prendre soin des gens et à donner sa vie (cela revient cinq fois). Cela fait partie de toute vocation, à tout âge : prendre soin et le don de soi.
Demain, c’est le Jour de la Terre, sur toute notre planète. L’appel à être bon pasteur de notre maison commune, à en prendre soin et à se donner, est très pertinent et important en ces temps de changements troublants.
Dans son message pour aujourd’hui, le pape François parle de la polyphonie des charismes et des vocations, dans un peuple qui marche ensemble en ce temps de synodalité. Il nous dit : « Que chacun de nous puisse découvrir sa vocation dans l’Église et dans le monde et devenir pèlerin d’espérance et artisan de paix! Attachons-nous à la vie et engageons-nous dans le soin affectueux de ceux qui nous entourent et de l’environnement dans lequel nous vivons ».
Rendons grâce au Dieu vivant pour toutes les personnes et groupes en service, dans l’attention et le don de soi. Rendons grâce pour toutes les vocations présentes et à venir, et particulièrement pour celle de notre frère José Apolinario, qui a été ordonné au presbytérat hier par Mgr Lépine, dans la communauté Santa Teresa de Avila, et qui y préside ce matin sa première messe. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
guide-nous jusqu’au bonheur du ciel ;
que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse,
là où son Pasteur est entré victorieux.
Lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.