Homélie, mardi de la 2ème semaine de Pâques

9 avril 2024

Le défi de l'unité

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique, en prenant l’exemple des premières communautés chrétiennes, que la vie idéale de partage et de service voulue par le Christ est un apprentissage très progressif, mais qu’elle porte ses fruits.

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Homélie

Dans le passage du livre des Actes des apôtres que nous venons de lire, l’évangéliste Luc cherche à décrire ce qu’était la vie des communautés chrétiennes dans les premiers temps de l’Église. C’est un passage de toute beauté : les premiers chrétiens auraient partagé non seulement la prière mais leurs biens matériels. L’évangéliste fait d’abord ressortir leur unité : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ». Signe, pour lui, que la foi au Christ ressuscité illuminait pleinement l’existence des croyants. Ensuite, il fait valoir que cette unité de cœur se traduisait concrètement dans un partage des biens matériels : « Personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun ». Et ce partage était d’ailleurs si poussé qu’aucun membre des communautés « n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des apôtres ».

Ce portrait esquissé par saint Luc ne manquait-il pas de réalisme et de rigueur? N’était-il pas trop idéalisé? Sa conviction que l’humanité nouvelle née avec la Résurrection du Christ ne l’a-t-elle pas mené à camoufler des faiblesses observables dans les diverses communautés chrétiennes de son époque? C’est ce que pensent la majorité des commentateurs bibliques. Et pour montrer que la réalité sur le terrain était rarement aussi enthousiasmante que celle décrite par Luc, ils empruntent à l’expérience de l’apôtre Paul. Si ce dernier, par exemple, ne tarissait pas d’éloge à l’endroit de la communauté qu’il avait fondée dans la ville de Philippe (Ph 1, 3-11), son attitude était bien différente face à la communauté de Corinthe. Cette dernière aurait, bien sûr, cheminé à la suite du Christ, mais en faisant la triste expérience de scandales moraux, de divisions internes et de difficultés à partager ses biens. Saint Paul ne dit-il pas : « Lors donc que vous vous réunissez en commun, ce n’est pas le Repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun prend d’abord son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre. (…). Méprisez-vous l’Église de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui n’ont rien ? (I Co 11, 20-22) Et il n’est pas plus fier des chrétiens de Galates qui semblent prêts à passer à un évangile différent de celui que, lui, l’apôtre a proposé (cf. Ga 5, 15-18).

Bref, le défi de vivre l’Évangile de manière communautaire est de taille. Le partage de ses biens et le service de l’autre est un long apprentissage qui exige une pleine confiance dans l’Esprit du Seigneur. Vivre de l’amour reçu de Dieu n’est pas un geste spontané. À ce propos, il est opportun de rappeler la prière de Jésus : « Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous. » (Jn 17,11) Le commandement nouveau de l’amour et du partage, c’est grâce au soutien offert par l’Esprit Saint qu’il est possible de l’appliquer progressivement. En assumant ce commandement, le témoignage des communautés chrétiennes vivantes en vient à interpeller les personnes qui n’ont pas découvert les transformations que la foi au Christ entraîne : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous ». (Jn 13,35)

À propos du sens du partage dans l’Église, l’histoire nous apprend qu’il a connu des niveaux très différents, selon les époques et selon les milieux. Le modèle du partage exprimé au sein des communautés monastiques et des communautés religieuses a rejoint, lui, une portion plutôt limitée de la population chrétienne. C’est compréhensible. Il reste que l’appel à dépasser l’égoïsme individuel et même collectif n’a jamais cessé d’être entendu au sein des communautés chrétiennes. Rendons grâce à Dieu, car cet appel a été entendu et accueilli, il a produit des fruits, et ce, même s’il n’a pas régulièrement été assumé de façon héroïque.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu fort, nous t’en prions,
fais-nous proclamer la puissance déployée
dans la résurrection du Seigneur ;
nous avons reçu les prémices de sa grâce :
rends-nous capables d’en saisir la plénitude.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.