Homélie, lundi, 2e semaine du Carême

26 février 2024

Solidarité et soutien

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous appelle à faire preuve de discernement pour poser des jugements qui vont endiguer les manifestations du mal dans le monde, tout en faisant grandir la présence et l’amour de Dieu partout où ils sont et partout où ils peuvent être semés.
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Homélie

Jésus a beaucoup insisté sur la couleur à donner aux rapports sociaux. Son enseignement portant sur l’amour du prochain ainsi que sur l’amour de l’ennemi est limpide. Sauf que les rapports sociaux sont souvent marqués par la jalousie, le désir de vengeance et l’injustice et deviennent de la sorte porteurs de haine et de mort. Comment les vivre? Jésus n’a-t-il pas dit, au nom de la miséricorde : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés ». De tels conseils seraient sans doute facilement accueillis s’il n’y avait pas de conflits au sein des familles, des groupes humains et des populations. Mais tel n’est pas le cas dans la réalité quotidienne. Les affrontements sont au cœur de la dynamique sociale.

Posons la question directement : Jésus s’est-il abstenu de juger? Pensons simplement ici à ses confrontations avec les pharisiens et les scribes. Ne leur a-t-il pas dit : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux, vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ». (Mt 23,13+) Jugement catégorique ! Pensons aussi à saint Paul qui se voulait un vrai disciple du Christ et qui s’est permis de juger les comportements de membres de la communauté chrétienne de Corinthe : « On entend dire partout qu’il y a chez vous un cas d’inconduite (…) : l’un de vous vit avec la femme de son père. Et vous êtes enflés d’orgueil ! Et vous n’avez pas plutôt pris le deuil pour qu’on enlevât du milieu de vous celui qui a commis cet acte ! Eh bien ! moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a perpétré une telle action : au nom du Seigneur Jésus, (…), qu’un tel homme soit livré à Satan… ». (I Co 5, 1-5)

Rappelons ici que Jésus n’a jamais encouragé ses disciples à fermer les yeux sur les manifestations du mal dans leurs milieux de vie. Il les a plutôt incités à lutter contre ces manifestations au nom de l’amour du prochain. N’est-ce pas ce que l’on rencontre dans l’exigence de la correction fraternelle ? « Si ton frère a péché, va et reprends-le. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. » (Mt 18, 15-16) Jésus a donné mission aux siens de travailler en faveur de la fraternité et de la solidarité. Et son insistance sur l’amour des ennemis (cf. Mt 5,43-45) montre bien que leur lutte contre le mal devait largement déborder le cadre du seul rassemblement des disciples.

La mission évangélique de lutter contre les forces du mal comporte des défis très différents. Intervenir pour faciliter l’amélioration de relations interpersonnelles détériorées n’est pas du même ordre qu’une intervention visant une transformation des rapports politiques entre ethnies ou nations. Malgré des situations aussi diversifiées, les chrétiens et chrétiennes sont invités à reconnaître et à dénoncer le mal.

Devant des injustices évidentes, devant le désir de vengeance, ils doivent prendre en compte le sort des personnes et des populations qui souffrent et ce, au nom même de la charité.

Dans cette mission, les chrétiens et chrétiennes doivent être lucides et savoir poser des gestes pertinents. Mais il y a plus : ils ne doivent pas se laisser aveugler par les manifestations du mal. C’est pourquoi ils doivent apprendre à reconnaître, sur le terrain, la présence de Dieu. À travers les gestes de solidarité et de soutien que posent les hommes et les femmes de bonne volonté, ils doivent y voir la compassion de Dieu. Ils ont à reconnaître que l’amour du prochain est toujours présent, quelque part, dans des situations profondément détériorées. Car Dieu n’abandonne jamais les souffrants. Conviction qui nourrit la volonté de lutter contre les forces du mal.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
pour guérir nos âmes,
tu nous prescris de discipliner nos corps ;
fais que nous puissions nous garder de tout péché
et accomplir ainsi de tout cœur
les préceptes de ton amour.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.