Homélie, dimanche, Le Christ, Roi de l’univers A

26 novembre 2023

Recevez en héritage

En ce dimanche du Christ-Roi, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous invite à considérer la finitude de la race humaine d’un point de vue scientifique, mais aussi du point de vue de la foi qui nourrit l’espérance d’une vie éternelle et merveilleuse en intimité avec Dieu.
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Homélie

Nous vivons dans un monde dont l’avenir est clairement limité dans le temps. Jésus, d’ailleurs, dans sa prédication, est venu nous rappeler que notre humanité connaîtrait une fin, mais que cette fin prévisible ne signifierait pas sa disparition définitive dans le néant. Au contraire, cette fin constituerait le début d’une ère tout à fait nouvelle pour l’humanité, car elle entrerait alors dans une vie totalement renouvelée par Dieu. Elle aurait le privilège de partager la vie même de Dieu. Tous les hommes et toutes les femmes qui seraient passés sur la terre pourraient partager le sort de Jésus ressuscité. Eux aussi pourraient vivre dans l’intimité de Dieu pour l’éternité. Ils entreraient alors dans un univers spirituel qui leur permettrait d’échapper aux contraintes que sont la souffrance et la mort définitive. Une telle vision dépasse notre entendement. Elle nous transporte dans un univers que nous ne parvenons pas à imaginer. Pour l’accueillir, il est nécessaire de plonger dans la foi.

Mais, notons-le, Jésus ne s’est jamais prononcé sur le moment où ce grand retournement final se produirait. Il n’a pas donné de chiffres approximatifs pour nous aider à nous situer dans le temps qui vient. Lui, il était avant tout attentif à l’annonce de l’amour indicible de Dieu qui offre à toute personne de bonne volonté de partager sa vie intime. Si Jésus n’a pas fourni d’indice pour nous dire à quel moment de l’histoire humaine le grand bouleversement se produirait, les astrophysiciens du monde moderne ont proposé des scénarios annonçant ce qui va se produire sur la terre et dans notre système solaire ainsi que dans notre galaxie, la Voie lactée. Ces derniers parlent d’une véritable fin de notre monde terrestre. Par exemple, dans un milliard d’années, les océans se seront vaporisés; il n’y aura plus de vie sur la terre; les humains, eux, auront disparu bien avant cette époque fort lointaine. Ils ajoutent que dans quatre milliards d’années, notre galaxie entrera en collision avec la galaxie Andromède. Bref, le monde que nous connaissons présentement sera complètement transformé. Cependant, quand nous demandons à ces mêmes scientifiques quelle sera la vie sur terre dans 10 000 ans ou dans 50 000 ans, ils n’osent pas se prononcer. Trop d’éléments leur échappent, à commencer par les conditions climatiques futures de la planète ainsi que par les conséquences des découvertes scientifiques et des innovations techniques à venir. En d’autres mots, une fin de l’histoire de l’humanité est inscrite dans la nature et dans notre système biologique, mais le moment du déclin définitif n’est pas encore identifiable.

Que faire alors avec ces représentations plus ou moins précises de notre avenir comme humanité quand nous avons la foi? L’attitude à adopter est sans doute celle qui consiste, pour nous croyants, à nous en remettre d’abord à la révélation de Jésus. Lui, il nous a bien indiqué que c’est Dieu qui aura le dernier mot dans l’avenir qu’il prépare pour nous. Et ce dernier mot, c’est celui du Jugement final : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, (…), il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui : il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs ». Scène grandiose. Elle regroupera non seulement les humains encore vivants, mais tous ceux qui auront vécu sur la terre. Là, on imagine des dizaines et des dizaines de milliards de personnes. Rassemblement inimaginable par sa taille. Ce rassemblement, on le comprend, sera d’ordre spirituel et non pas d’ordre matériel. Dieu, connaissant le parcours de chaque être humain de l’histoire, départagera en une fraction de seconde (si l’on peut dire) les bons des méchants. Ce qu’il importe de retenir, c’est que tous entendront cette extraordinaire promesse : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ». S’opérera alors le passage dans la vie intime de Dieu, hors de la souffrance et de la mort. Ce sera surtout l’entrée dans la vie en plénitude que Dieu seul peut offrir. Les aspirations du cœur les plus profondes seront assurées…et dépassées.

Un tel message, nous le savons, ne peut être accueilli que dans la foi. Il peut être source d’une joie sans borne. Sauf que la révélation faite par Jésus comporte un versant qui fait peur, et pas seulement aux personnes scrupuleuses. En effet, le Roi dira : « Allez-vous en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel… ». Comment interpréter cette parole qui paraît si dure ? Chose certaine, il ne faut absolument pas isoler cette parole de malédiction du reste de l’enseignement de Jésus qui porte sur la compassion et la miséricorde. Pensons ici à la parabole du père qui accueille son fils prodigue responsable d’avoir déshonoré sa famille et dilapidé complètement son héritage (cf. Lc 15,11-32). Elle révèle avec éloquence la profondeur de l’amour de Dieu pour les faibles et les pécheurs. Retenons aussi l’accueil que Jésus a offert à Zachée, ce chef de collecteurs d’impôts qui s’était enrichi en exploitant ses concitoyens. Jésus n’a-t-il pas dit au terme de sa rencontre avec ce pécheur notable : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Lc 19,10) Pensons encore à la parole de Jésus adressée au bandit qui s’était tourné vers lui sur la croix : « En vérité, je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Mc 23,42-43).

Bref, c’est à la lumière de cette miséricorde divine qui dépasse notre entendement qu’il faut lire le contenu du Jugement final. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il ne faut pas accepter l’interprétation durcie, excessive, de certains baptisés qui se permettent de dire qu’au moins la moitié des êtres humains seront condamnés au feu éternel. C’est là une aberration. En s’exprimant de la sorte, ils montrent qu’ils ont oublié que le Christ Jésus est venu sauver l’humanité et non pas la condamner. En effet, il est venu chercher les pécheurs. C’est pourquoi bien des penseurs chrétiens laissent clairement entendre que c’est une petite minorité seulement de notre humanité qui ne connaîtra pas le privilège de partager la vie de Dieu. Bien sûr, la porte d’entrée dans le Royaume de Dieu, c’est de donner à manger à ceux qui ont faim, de donner à boire à ceux qui ont soif, d’accueillir l’étranger et de servir les autres. Dans les faits, que d’hommes et de femmes, malgré leurs limites, quelles que soient leurs croyances, cherchent à être solidaires des personnes qui les entourent, à leur rendre des services de manière à ce que la vie continue dans leur milieu. Ces personnes ne sont pas toujours cohérentes. Elles se contredisent parfois en se permettant des méchancetés et des injustices à l’endroit de leur entourage. Mais notons que ces personnes, sur plusieurs points, ressemblent à bien des pécheurs que Jésus a rencontrés, guéris et sauvés.

En terminant, retenons que c’est un message plein d’espérance pour notre humanité que nous avons à accueillir aujourd’hui. Nous devons avant tout nous laisser entraîner par ces mots : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ». Que l’Eucharistie que nous allons maintenant partager ouvre nos cœurs à la miséricorde infinie de Dieu !

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
tu as voulu récapituler toutes choses
en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers ;
dans ta bonté, fais que, libérée de la servitude,
toute la création serve ta gloire
et chante sans fin ta louange.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.