Homélie, dimanche, 31ème semaine du Temps Ordinaire

5 novembre 2023

La force de l'humilité

Hier soir, le frère Bruno Demers, O.P., nous livrait une homélie qui nous expliquait comment assumer la responsabilité du pouvoir tout en restant en accord avec les enseignements de Jésus et la loi de l’amour du prochain, particulièrement au sein de notre propre Église.
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Homélie

Pour vous, ne vous faites pas donner les titres de Rabbi, de Père ni de Maître.


Pas facile d’exercer l’autorité aujourd’hui. Que ce soit en éducation, en politique ou encore dans le champ religieux, la référence à l’autorité est en crise. Il est vrai que des abus de pouvoir ou les tentatives de manipulation font tout de suite soupçonner les responsables dans l’Église, d’autoritarisme ou de cléricalisme. L’exercice du leadership ne va pas de soi. Quelle est la façon évangélique d’assumer le pouvoir? À l’époque de Jésus comme aujourd’hui, cette question est toujours d’actualité.

L’histoire de notre Église n’a pas toujours été édifiante à cet égard. En 1906, Pie X, dans un contexte de réaction à la séparation de l’Église et de l’État en France, écrivait : L’Église est par essence une société inégale. Elle comprend deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau. Dans le corps des pasteurs, seul, résident le droit et l’autorité pour diriger. Quant à la multitude, elle n’a d’autre devoir que de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs. Disons, pour le moins, qu’on n’est plus à la même époque !!

Heureusement, il y a eu Vatican II, aux débuts des années soixante, qui est venu ré-équilibrer la vision chrétienne de l’exercice du pouvoir. D’abord, la redécouverte de l’Église comme peuple de Dieu. Tous les chrétiens, en vertu de leur baptême, sont membres de l’Église, Il n’y a plus de croyants de première classe et d’autres, de seconde classe. Deuxièmement, tous les chrétiens obéissent à la même Parole de Dieu. Le Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu. C’est parce qu’il obéit à cette même Parole qu’il peut exercer une forme de régulation. Enfin, tous les croyants sont invités à évangéliser, pas seulement certains spécialistes.

Il n’est plus question de revenir en arrière et de soumettre son intelligence et sa volonté à une autorité extérieure. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Matthieu identifie trois pièges dans l’exercice du pouvoir.

Ils disent et ne font pas. En effet, les scribes et les pharisiens ont développé tellement de préceptes qu’eux-mêmes ne réussissent pas à tous les observer.

Ils chargent les gens de pesants fardeaux. Le pouvoir peut donner prétexte à domination ou à supériorité.

Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens. Ils aiment paraître et attirer sur eux la considération et l’intérêt.

En contrepoint à ces pièges, Matthieu décrit trois attitudes qui incitent à la simplicité. Pour vous…

Ne vous faites pas donner les titres de Rabbi ou de Maître. En effet, en christianisme, il n’y a qu’un seul Maître : Jésus Christ.

Ne donnez à personne le nom de Père. Ici encore, il n’y a qu’un seul Père, Dieu qui est aux cieux.

Vous êtes tous frères. « Frère » est le mot le plus courant à travers le Nouveau Testament pour désigner le membre de la communauté, c’est-à-dire la famille ecclésiale.

Le Maître Jésus Christ préside une famille où tous se réclament d’un seul Père.

Après avoir rappelé que l’Église fonctionne comme une grande famille, l’évangéliste dévoile la façon chrétienne d’exercer l’autorité : Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Renversement complet de situation! L’exercice du pouvoir se fait sous le signe du service. On se rappelle tous cette scène du dernier repas de Jésus avec ses disciples, où il quitte la table, se met un tablier et verse de l’eau sur leurs pieds. Pas au début du repas comme faisait l’esclave quand un visiteur se présentait. Mais, en plein milieu, pour bien marquer l’importance de ce geste.

Et notre texte poursuit : Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Nous ne sommes plus dans le registre de la récompense ou de la punition. Il ne s’agit pas non plus de prendre plaisir à s’humilier. Beaucoup plus profondément, il y a là une des grandes lois de la vie : la force de l’humilité. Être conscient de nos insuffisances et de nos faiblesses, reconnaître que nous sommes toujours en apprentissage, être ouvert à ce que les autres peuvent nous apporter. Quand l’être humain se satisfait de lui-même et se ferme aux autres, il ne peut plus évoluer. C’est devant Dieu que nous prenons conscience de notre véritable humilité.

Cet appel à l’humilité et au service revient sans cesse comme un refrain régulier dans les exhortations du pape François. C’est sa marque de commerce. À Rome, il vient de clore la première étape du synode mondial sur la Synodalité. Contre le cléricalisme et toutes formes d’abus de pouvoir, il a invité les chrétiens à réfléchir sur la façon de fonctionner en Église et de prendre des décisions. Pas sur des thèmes précis mais plutôt sur le « marcher ensemble » à la suite du Christ et en vue de faire advenir le Royaume.

Prions pour que les chrétiens puissent entendre l’appel au service et à l’humilité comme Jésus Christ l’a si bien incarné parmi nous.

Fr. Bruno Demers, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de puissance et de miséricorde,
c’est ta grâce qui donne à tes fidèles
de pouvoir dignement te servir;
Accorde-nous, en mettant notre vie en accord avec nos paroles,
de progresser sans que rien nous arrête
vers les biens que tu promets.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.