Homélie, mardi, 31ème semaine du Temps Ordinaire

« Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre », dit l’apôtre Pierre à Jésus. Façon de laisser sans doute entendre que la suite de Jésus impliquait des ruptures et des dépouillements de taille. Derrière cette observation de Pierre, il y avait probablement une question sous-jacente, question que nous pourrions formuler de la façon suivante : est-ce que la récompense que tu nous offriras compensera vraiment les sacrifices que nous avons acceptés jusqu’ici pour te suivre? Pourtant, Pierre, comme les autres apôtres, avait répondu en toute liberté à l’appel de Jésus. Jésus ne les avait pas obligés à s’engager à sa suite. Qu’est-ce donc qui avait poussé Pierre à dire « oui » alors qu’il pouvait déjà imaginer ce que cette suite représentait comme changement radical dans sa vie? La réponse est claire : Pierre, comme les autres apôtres, avait été fasciné et ébloui par Jésus, par ses miracles bien sûr mais aussi par sa présentation de la miséricorde amoureuse de Dieu. On pourrait même dire qu’il avait été séduit. C’est d’ailleurs ce qu’il reconnaîtra lui-même: « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6,68)

Aujourd’hui, en voulant célébrer la fête de tous les saints et saintes de l’Ordre des Prêcheurs, nous ne pouvons pas laisser dans l’ombre cette fascination que Jésus a engendrée. Des siècles après son passage en Galilée, nous retrouvons cette fascination dans les biographies des figures dominicaines qui ont été reconnues comme saintes. Leur attachement au Christ et à son Évangile n’a échappé à aucun observateur attentif. Il était évident que le Christ avait pleinement été la lumière de ces saints et de ces saintes. Leurs rêves et leurs engagements concrets s’étaient progressivement bâtis sur cette relation unique avec lui. Si nous pouvons le dire pour saint Dominique, nous pouvons tout autant le dire pour le théologien Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, pour la mystique et femme d’action Catherine de Sienne au XIVe siècle, pour les laïcs dominicains Barthélémy Longo au XIXe siècle et Pier-Giorgio Frassati au XXe siècle.

Toutes ces personnes – et bien d’autres – avaient été séduites par le Christ Jésus. Pour elles, le suivre avait été compris comme le chemin par excellence pour réussir sa vie. En conséquence, les austérités et les ruptures qui accompagnaient leur cheminement dans les pas du Christ étaient perçues comme secondaires, mineures, en regard du sentiment de plénitude qu’elles éprouvaient. C’est d’ailleurs en fonction de cette séduction première qu’elles ont été capables de quitter des gens auxquels elles étaient attachées et des milieux sociaux qu’elles appréciaient. Pour suivre Jésus, elles n’ont pas craint de prendre le risque de l’incompréhension de la part de leurs proches et même celui de la persécution lorsqu’elles ont choisi d’aller vivre dans des milieux étrangers à la foi chrétienne.

Nous ne pouvons pas faire mémoire de ces saints et saintes de l’Ordre sans nous réjouir de ce que le Christ a réalisé de remarquable, au plan évangélique, à travers ces personnes. Sachons retenir que cette histoire de la sainteté n’est pas qu’une histoire du passé. Elle est aussi la nôtre, présentement. Car nous avons tous et toutes été éblouis par le Christ Jésus, à des degrés plus ou moins grands toutefois. Nous aussi, nous avons été rejoints par l’appel gracieux du Christ. Et nous continuons actuellement de chercher, chacun et chacune à sa manière, à répondre à cet appel en disant, comme Pierre l’a fait : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle ». (Jn 6,68)

Que cette Eucharistie nous aide à nous laisser saisir toujours davantage par la grâce de Dieu, et ce, de manière à continuer d’être, dans nos milieux, des témoins de la Lumière!

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
source de toute sainteté,
tu as enrichi ton Église
par une grande diversité de dons
chez les saints de notre Ordre ;
accorde-nous de suivre leur exemple :
après les avoir vénérés dans une même célébration sur la terre,
que nous leur soyons réunis un jour
pour une fête sans fins dans le ciel.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.