Homélie, mardi, 24ème semaine du Temps Ordinaire

19 septembre 2023

Savoir compatir

Aujourd’hui, devant l’intervention directe de Jésus face au mal dans l’évangile, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., souligne le sentiment d’impuissance que nous ressentons souvent dans notre société complexe et face au mal parfois systématique ou lointain.
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Homélie

Avec l’évangile d’aujourd’hui, nous voyons Jésus, une fois de plus, manifester sa compassion face à la souffrance. La situation dramatique de la veuve de Naïm qui allait reconduire son fils unique au cimetière l’a touché profondément. Confronté à une telle situation, Jésus a su aller au-delà de l’émotion ressentie. Il a pris l’initiative d’arrêter la procession funèbre et de réanimer le fils de la veuve. En présence d’une telle victoire sur les forces du mal, la foule présente, impressionnée, a rendu grâce à Dieu.

Devant ce que Jésus a fait, nous ne pouvons qu’être admiratifs à notre tour. Sauf que Jésus demande plus que de l’admiration de la part des disciples que nous sommes. Face aux personnes souffrantes, il nous invite à savoir compatir. Remarquons qu’il va plus loin : il nous invite à l’imiter et à lutter contre les forces du mal comme lui l’a fait. Une question se pose cependant. Dans nos sociétés modernes complexes, pouvons-nous toujours intervenir directement? Ne sommes-nous pas, dans bien des situations, impuissants devant le mal dont nous sommes informés ou que nous observons? Nos moyens d’intervenir ne sont-ils pas souvent très limités? Tous les jours en effet, les médias de masse nous offrent des informations et des reportages sur des situations humaines que nous trouvons souvent intolérables, en particulier quand ces situations dramatiques sont engendrées par des choix financiers ou par des options politiques. Ne nous arrive-t-il pas alors de dire : c’est injuste et inacceptable, surtout quand la dignité des personnes est bafouée? Avec la crise actuelle des sans-abris à Montréal et dans les régions, nous sommes touchés quand nous apprenons que des femmes et des hommes de 60 ans et plus se préparent à vivre sous la tente au cours de l’automne et de l’hiver. Cela nous choque d’autant plus que notre système de santé et de services sociaux est censé offrir un bon degré de sécurité aux citoyens et citoyennes d’ici. Ne sommes-nous pas envahis aussi par un sentiment de révolte quand nous apprenons comment les autorités politico-religieuses de l’Afghanistan et de l’Iran traitent les femmes qui ne veulent pas porter le voile? Nous voyons là non seulement des injustices profondes mais en même temps un mépris honteux à l’endroit des femmes. Cependant, avouons-le, devant ces situations humaines détériorées, nous nous sentons le plus souvent démunis. À nos yeux, seuls les gouvernements et les grands organismes humanitaires ont le pouvoir d’agir directement sur les causes des malheurs identifiés. L’écart entre le sentiment de compassion ressenti et nos capacités d’action est énorme. Peut-être faisons-nous, pour une part, l’expérience du prophète Moïse. Envoyé par Dieu en Égypte pour libérer les Israélites de l’oppression, il n’a pu faire fuir dans le désert, selon toute probabilité, que quelques centaines de personnes. Le résultat de ses actions a été bien inférieur à ce qui avait été envisagé.

À la suite de Jésus, les chrétiens et chrétiennes d’aujourd’hui veulent bien lutter contre les forces du mal. Mais, dans nos sociétés modernes, l’ampleur des changements à faire advenir est souvent énorme. Ils doivent donc compter sur des corps sociaux intermédiaires pour que leur compassion puisse se transformer en action efficace. Leur solidarité avec les souffrants passe par un appui sur ces corps intermédiaires, que ce soit par des dons ou par des engagements particuliers.

C’est donc avec humilité que nous devons nous engager dans la lutte contre les forces du mal. Oui, nos moyens sont restreints. Il importe cependant de savoir les utiliser et de le faire en ayant toujours à l’esprit le grand plan de salut de Dieu. C’est avec Lui, finalement, que nous avons à collaborer. Et sachons rendre grâce pour toutes les victoires sur les forces du mal qui sont présentement remportées dans notre monde. Que la célébration de notre Eucharistie nourrisse notre espérance!

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
comme l’enseigne l’Esprit Saint,
nous pouvons déjà t’appeler du nom de Père ;
fais grandir en nos cœurs l’esprit d’adoption filiale,
afin que nous soyons capables d’entrer un jour
dans l’héritage qui nous est promis.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.