Homélie, dimanche, 22ème semaine du Temps Ordinaire

3 septembre 2023

Quelle croix à prendre?

Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous explique la signification de prendre sa croix et le risque merveilleux de s’engager à suite du Christ.
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Homélie

Nous sommes dans un temps de rentrée, de lancement de l’année : les étudiants et enseignants se retrouvent en classe; les familles et travailleurs sont en congé avant la reprise; les organismes préparent leurs activités; les Dominicains de St-Albert ont tenu leur chapitre de rentrée vendredi. Et l’Évangile de Matthieu nous parle de devenir disciple de Jésus, avec les implications et exigences pour marcher sur ce chemin.

L’évangile d’aujourd’hui comprend trois parties: d’abord une annonce de la Passion par Jésus, qui est solennelle; puis une vive confrontation entre Pierre et Jésus à propos de cette annonce; enfin, une exhortation de Jésus qui invite ses disciples à prendre des risques.

Devenir disciple de Jésus, c’est marcher à sa suite. La route est longue et inclut plusieurs étapes. Dimanche dernier, nous avons vu Pierre, au nom des disciples, proclamer sa foi en Jésus Messie et Fils de Dieu. C’était là déjà l’aboutissement de toute une démarche à la suite de Jésus, avec ses doutes et ses avancées. Mais maintenant, sur cette route de la foi, nous arrivons à un nouveau point tournant. Jésus est le Messie, mais quelle sorte de Messie? Quelle est l’orientation fondamentale de sa messianité?

Pierre découvre alors que Jésus ne répond pas au profil prévisible, à ce qu’on attend habituellement d’un Messie. Jésus annonce qu’il sera rejeté, tué et qu’il ressuscitera. Quelque chose ne tourne pas rond dans cette perspective. Un Messie est associé à la puissance et à la gloire, non à la souffrance. Aussi Pierre en est choqué, c’est normal, et il se permet même de confronter Jésus vivement, de lui faire des reproches.

Alors Pierre, qui avait été béni et avait reçu une grande responsabilité après sa confession de foi, est maintenant appelé Satan, Adversaire, par Jésus lui-même! Les vues de Pierre sont pour Jésus une occasion de chute, littéralement un scandale, i.e. un obstacle sur la route qui peut nous faire tomber. Il ne suffit pas de dire avec une voix forte: Vive Jésus le Messie! Proclamer sa foi ne suffit pas. Il s’agit aussi de marcher à sa suite, sur un chemin déroutant.

Les exhortations qui suivent apportent des clarifications. Il est question de perdre sa vie et ainsi de la sauver. Jésus développe les implications de croire en lui et de marcher à sa suite, de devenir son disciple. Prendre sa croix, à cette époque pour les chrétiens lecteurs de Matthieu, n’a pas le sens actuel plus moralisateur ou fataliste : il faut faire des sacrifices, ou il faut bien accepter les souffrances de la vie. Il ne s’agit pas de cela ici. Prendre sa croix signifie être prêt à risquer sa vie, à perdre réputation et relations. La croix référait alors à une mort publique indigne; et pour les chrétiens à la Passion de Jésus et au don de sa vie pour la multitude.

Il y a aussi une dimension de sagesse dans les réflexions de Jésus sur la valeur de la vie. Qu’est-ce qui vaut vraiment la peine, qu’est-ce qui compte? Conquérir le monde et penser s’agrandir soi-même? Le prix à payer est trop élevé car c’est sa propre vie, c’est soi-même finalement qu’on perd. Alors que risquer sa vie, oser la donner, sera source d’une vie nouvelle. C’est le chemin que Jésus lui-même a suivi.

La marche à la suite de Jésus sur la route de la foi n’est pas une promenade facile et tranquille, sur une large avenue, en un beau dimanche ensoleillé! Tout peut arriver. Une tempête survient, nous ne savons pas quel chemin prendre au carrefour, nous avons perdu notre GPS, des gens crient après nous, nous nous sentons épuisés, nous aimerions revenir en arrière… Est-ce qu’on peut débarquer?

Cette marche est une expédition risquée et remplie de défis. Pour avancer, nous avons à nous y engager personnellement et courageusement, par-delà les voix du conformisme social, les peurs de l’inconnu, les obsessions de sécurité et de performance, et les attentes illusoires de perfection et de gloire. Jésus, et finalement Pierre et les disciples, ont suivi cette voie. La fidélité à sa vocation et à sa mission appelle à faire la vérité en regard de ce qui nous entoure et de ce qui nous habite intérieurement. Mais alors la marche devient plus excitante et légère, libératrice et source de vie.

À quel point tournant suis-je rendu-e aujourd’hui? À quel obstacle dois-je faire face, avec fermeté et audace? Et comme disciple de Jésus, quel risque, quelle croix, suis-je prêt-e à prendre?

En ce temps de rentrée, rendons grâce au Dieu vivant qui accompagne notre histoire depuis longtemps et guide notre marche avec et par Jésus notre frère et Seigneur, lui-même le chemin, la vérité et la vie. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de l’univers,
de qui vient tout don parfait,
enracine en nos cœurs l’amour de ton nom ;
augmente notre foi pour développer ce qui est bon en nous ;
veille sur nous avec sollicitude,
pour protéger ce que tu as fait grandir..
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.