Homélie, mardi, 9ème semaine du Temps Ordinaire

6 juin 2023

Être fidèle sans intransigeance

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., examine avec nous la célèbre phrase de Jésus concernant ce qui est à César et ce qui est à Dieu, ainsi que l’exemple de Tobie qui fait de son mieux pour vivre sa foi au quotidien, parfois maladroitement.
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Homélie

Tobie est la figure du juste. Comme il le disait hier : « je marche dans les voies de la vérité et je fais ce qui est juste ». Il est généreux. Il ensevelit les corps de ses compatriotes. Alors qu’il se retrouve en exil avec son peuple, minoritaire dans sa foi, il relève le défi de vivre dans la fidélité à sa foi dans des situations nouvelles pour lui. Il prend le risque de la foi.

Mais voilà qu’il devient aveugle. Il ne se révolte pas. À la maison, on s’organise. Sa femme travaille pour subvenir aux besoins de la famille. Ses patrons lui offrent un chevreau. Il refuse que sa femme le fasse cuire de peur qu’il ait été volé. Respect de la loi à l’extrême, et osons le dire, à l’extrême du scrupule. Il ne croit même pas sa femme qui a beau lui expliquer la provenance de l’animal. Rien n’y fait. On peut bien comprendre qu’elle lui dise ses quatre vérités. Toi et ton Dieu! Si Tobie avait dégusté bien joyeusement le chevreau, son épouse ne se serait probablement pas exprimée comme elle l’a fait, même si, peut-être, elle le pensait. L’attitude de Tobie est la goutte qui a fait déborder le vase.

Il peut arriver que des personnes très croyantes poussent à bout leur entourage en étant beaucoup trop rigoureuses et en imposant leur vision des choses à leurs proches. On peut penser à notre histoire au Québec où tant de jeunes ont été forcés de réciter le chapelet tous les soirs, ou encore dans les collèges classiques, étaient obligés à la messe quotidienne, à la confession et à la direction spirituelle. Quand ils ont pu s’en libérer. Fini! Enfin, la liberté! On a déjà dit que les collèges classiques étaient les meilleures écoles d’anticléricalisme. Il faut toutefois bien reconnaître qu’aujourd’hui nous sommes bien loin de cette situation.

Dans l’Évangile, Jésus est confronté à des opposants qui veulent le prendre au piège avec la question du paiement de l’impôt à César. À son époque, les zélotes, farouches opposants à l’occupation romaine, interdisaient à leurs partisans de s’en acquitter, tandis que les pharisiens, opposés en principe, s’en accommodaient dans la pratique et que les hérodiens flattaient le pouvoir en place. Ainsi, quelle que soit la réponse, Jésus s’attirera des ennuis. Ses ennemis pourraient utiliser sa réponse pour le déconsidérer auprès du peuple ou encore pour l’accuser de rébellion contre les Romains.

Mais Jésus répond tout simplement en examinant une pièce de monnaie que possédaient ses interrogateurs! « Ce qui est à César, rendez-le à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette petite phrase a fait couler beaucoup d’encre. Elle a été à l’origine de savantes considérations sur le rapport entre le politique et le religieux. Elle est même dans les pages roses de nos dictionnaires.

Pour nous qui sommes dans une situation de minoritaires semblable à celle de Tobie, Jésus nous rappelle tout d’abord que Dieu vient en premier. Lui seul est l’absolu. Dans l’histoire humaine, il y a eu de nombreux Césars, de nombreux régimes politiques, mais il n’y a qu’un Dieu! Son royaume avant celui de César.

Cela dit, le croyant ne s’enferme pas, ne vit pas en dehors du monde. Il ne se réfugie pas dans sa petite communauté, comme dans une secte. Il est dans ce monde, ce monde avec sa consistance propre, mais aussi ce monde appelé à être transformé justement par les germes du Royaume de Dieu, du Royaume à venir. C’est dans le terrain de ce monde que doit être semée la Bonne Nouvelle du Royaume.

Saint Augustin disait: « de même que César cherche son image sur une pièce de monnaie, de même Dieu cherche son image au fond du cœur de chacun d’entre nous. » Voilà l’essentiel. Être à l’image de Dieu! Vivre sur cette terre, dans les royaumes de ce monde, en enfants de Dieu, en frères et en sœurs les uns des autres.

Comme Tobie, nous sommes appelés à relever le défi de la foi dans un monde où Dieu n’a pas de place. Il ne faut pas pour autant tomber dans l’excès de l’intransigeance ou du sectarisme même s’il arrive – et beaucoup trop fréquemment à notre époque – que le témoignage aille jusqu’au don de sa vie.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de puissance et de miséricorde,
éloigne de nous, dans ta bonté, tout ce qui nous arrête,
afin que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps,
nous accomplissions d’un cœur libre ce qui vient de toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.