Homélie, lundi, 2ème semaine du Carême

6 mars 2023

Encourager la lucidité

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous invite à l’objectivité, à la lucidité et à la miséricorde lorsque nous sommes confrontés à des actions répréhensibles posées par d’autres humains. Après tout, derrière chaque action humaine se trouvent une logique humaine, aussi fragile soit-elle.
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Homélie

« Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés ». Ce conseil de Jésus fait réagir, et souvent avec force. Première réaction : ne pas juger les personnes ou les groupes impliqués dans des situations humaines graves, scandaleuses, c’est inacceptable, en particulier quand des vies humaines sont en cause. Deuxième réaction : Jésus ne s’est pas abstenu de porter des jugements en public. Rappelons simplement ces paroles : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites parce que vous fermez aux hommes le Royaume des cieux, vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer. Malheur à vous, … » (Mt 23,13+) Passons cette fois à saint Paul. Il se voulait un vrai disciple du Christ et pourtant, il ne s’est pas gêné pour juger et condamner certains membres de la communauté chrétienne de Corinthe : « On n’entend parler que d’impudicité parmi vous, et d’une impudicité telle qu’il n’en existe pas même chez les païens; c’est à ce point que l’un de vous vit avec la femme de son père! (…). Eh bien! Moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, l’auteur d’un tel forfait ». (I Co. 5, 1 et 3)

Il est clair que la miséricorde de Dieu invite à la tolérance et à la retenue dans l’évaluation des gestes répréhensibles posés par diverses personnes et par des institutions sociales. Comme illustrations, nous pouvons retenir la question des abus sexuels qui ne cesse de faire les manchettes. De même que les crimes de guerre en Ukraine. Des voix nombreuses se lèvent et condamnent les responsables. On tient à ce qu’ils soient jugés, et durement. Pas de laisser-passer. Au nom de la justice et de la dignité des personnes, on veut que le mal soit endigué, à tout le moins réduit le plus possible.

Or, se vouloir disciple de Jésus, c’est nécessairement faire tout ce qui est en son pouvoir, selon ses moyens bien sûr, pour lutter contre le mal, pour réduire ses impacts. C’est là d’ailleurs une expression importante de la charité chrétienne. Rappelons ici l’exigence de la correction fraternelle : « Si ton frère a péché, va et reprends-le. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes… » (Mt 18, 15-16)

Que devient alors notre façon d’interpréter cette parole de Jésus : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés »? Chose certaine, devant le mal, personne n’est invité à se fermer les yeux et à faire l’autruche. C’est le contraire. La lucidité est à encourager. Mais la responsabilité de juger publiquement ne revient pas à n’importe qui. Pour éviter les vengeances, pour éviter les injustices, il importe de confier les évaluations et les jugements aux instances les plus objectives possibles. Quand on passe cette fois au plan de l’histoire du salut de l’humanité, nous devons vraiment refuser de vouloir remplacer Dieu. Lui seul peut sonder les reins et les cœurs. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur le sort que lui, dans sa miséricorde, va accorder à des personnes qui ont eu des comportements clairement répréhensibles et scandaleux. Il reste que ces mots « ne jugez pas » ne doivent pas être entendus comme une invitation à l’irresponsabilité sociale. Ce serait alors une façon de ne plus collaborer à la venue du Règne de Dieu au cœur de notre histoire.

Oui, nous avons à apprendre à être miséricordieux, mais sans jamais oublier que nous avons aussi à identifier et à résister aux diverses formes de violence, d’exploitation et d’injustice. Et là, nous devons prier le Seigneur pour qu’il nous soutienne dans notre démarche croyante.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
pour guérir nos âmes,
tu nous prescris de discipliner nos corps ;
fais que nous puissions nous garder de tout péché
et accomplir ainsi de tout cœur les préceptes de ton amour.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur
qui règne avec toi et le Saint Esprit
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.