Homélie, mardi, 5ème Semaine du Temps Ordinaire

7 FÉVRIER 2023

Faisons l'être humain à notre image et à notre ressemblance !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous offre une lecture différente du récit de la Création qui présente l’Homme comme un projet inachevé et invité par Dieu Lui-même à se raffiner, à régner non seulement sur la nature, mais aussi sur la part animale qui est en lui.

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Homélie

Le récit de la création de l’être humain pose d’importantes questions d’interprétation. Par exemple, les mots image et ressemblance. Nous l’avons entendu, l’intention de Dieu est de créer ‘adam’ en son image et à sa ressemblance. En hébreu, image et ressemblance ne sont pas des synonymes. L’image est un terme concert correspondant à ce que peut être une sculpture, un portrait, une représentation. La ressemblance, quant à elle, est plus abstraite, plus spirituelle, résultant d’une comparaison entre deux termes.

Si les deux mots ont des sens différents, n’est-il pas surprenant que, décrivant l’acte même de la création de l’être humain, le narrateur, par deux fois, mentionne le terme « image », mais pas celui de la ressemblance? « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. » Pas question de ressemblance. Où est-elle passée? Certainement pas dans la mention que « mâle et femelle il les créa ». Cette dernière affirmation souligne davantage ce que les humains ont en commun avec les animaux que leur proximité avec le Dieu créateur qui n’est ni mâle ni femelle.

Autre question. Je ne sais pas si vous avez remarqué que la création de l’être humain, si prodigieuse soit-elle, n’est pas immédiatement suivie du refrain « Et Dieu vit que cela était bon! » Alors que, dans la même journée, Dieu crée les animaux et se réjouit de leur création, nous ne retrouvons le fameux refrain « Dieu vit que cela était bon » qu’à la toute fin de la journée lorsque Dieu se réjouit de toute son œuvre. Comment expliquer cette omission?

Je vous propose une hypothèse. Ne serait-elle pas attribuable à ce que l’être humain est inachevé? Certes, celui-ci est créé à l’image de Dieu, mais celle-ci n’est pas encore ressemblance car l’être humain ressemble aux animaux avec qui il partage, entre autres, un même mode de reproduction. Il serait donc appelé à la ressemblance, à poursuivre l’œuvre créatrice de Dieu à son égard.

Ainsi Dieu aurait réalisé la part qui lui revient parce qu’il est le seul à pouvoir créer. Mais tout n’est pas encore fait. Dieu a fait sa part, il reste à l’être humain à faire la sienne. Alors le fameux ‘Faisons’ où Dieu exprime son projet, avec son pluriel, qui n’a pas cessé d’intriguer, serait alors l’expression d’une invitation de Dieu. Dieu ne se parlerait pas à lui-même, mais s’adresserait aux humains que sa parole est en train de créer – incluant tous les lecteurs de ce récit – pour les inviter à coopérer par leur agir à mener à leur accomplissement le projet créateur de Dieu tout d’abord en eux-mêmes. Comment alors l’image peut-elle devenir ressemblance? N’est-ce pas en humanisant ce par quoi elle s’approche de l’animalité ?

Le lieu de réalisation de l’être humain est la création que Dieu lui confie. Un réel pouvoir est remis à l’être humain, mais étrangement assorti d’une condition : ne se nourrir que d’une alimentation végétale. Après avoir imposé à l’être humain un devoir de maîtrise, Dieu l’invite à la douceur comme lui qui crée en séparant et en harmonisant. Être à l’image de Dieu implique agir comme lui. L’être humain est invité à se donner une limite, celle du respect de la vie et de la place de l’animal.

Mais cette suprématie sur le règne animal ne doit-elle pas s’étendre également sur cette part d’animalité qui constitue l’être humain? N’y a-t-il pas quelque chose, dans l’être humain, de « sauvage »? N’y a-t-il pas des forces qui attendent d’être domestiquées, humanisées? Comme le disait un grand exégète français « faire advenir l’humanité revient à devenir le pasteur de sa propre animalité ». L’être humain sera-t-il capable de rester maître des énergies vitales qui l’habitent? Réussira-t-il à canaliser leur impétuosité pour éviter qu’elles débordent en violence destructrice?

Nous voyons bien que ce récit de la création nous situe à des années-lumière des préoccupations légalistes des pharisiens et des scribes de l’Évangile. Celles-ci peuvent être utiles, mais toujours en vue de l’être humain et du projet de Dieu sur lui. « Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ».

Rendons grâce à Dieu pour notre création, cette création qui se poursuit toujours en nous. Rendons grâces pour le Christ Jésus, sa parfaite image, qui nous conduit par l’amour vers la totale ressemblance.

P.S. Je vous invite à la lecture d’un grand commentaire de la création d’André Wénin intitulé D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain. Coll. Lire la Bible. Éd. du cerf.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Sois favorable à tes fidèles, Seigneur,
et, dans ta bonté, multiplie pour eux les dons de ta grâce,
afin que, brûlant de charité, de foi et d’espérance,
ils soient toujours vigilants pour garder tes commandements.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.