28 JANVIER 2023
Invités à la sagesse
Aujourd’hui, fête de saint Thomas d’Aquin, Rodrigo Camilo Camargo (étudiant en philosophie à l’UdeM) nous invite à appliquer aux études la sagesse divine en s’inspirant des conseils du Doctor Angelicus.
LETTRE AUX HÉBREUX (11, 1-2.8-19)
Frères,
la foi est une façon de posséder ce que l’on espère,
un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas.
Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens,
c’est à cause de leur foi.
Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu :
il partit vers un pays
qu’il devait recevoir en héritage,
et il partit sans savoir où il allait.
Grâce à la foi, il vint séjourner en immigré dans la Terre promise,
comme en terre étrangère ;
il vivait sous la tente,
ainsi qu’Isaac et Jacob,
héritiers de la même promesse,
car il attendait la ville qui aurait de vraies fondations,
la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.
Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge,
fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance
parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses.
C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort,
a pu naître une descendance aussi nombreuse
que les étoiles du ciel
et que le sable au bord de la mer,
une multitude innombrable.
C’est dans la foi, sans avoir connu la réalisation des promesses,
qu’ils sont tous morts ;
mais ils l’avaient vue et saluée de loin,
affirmant que, sur la terre,
ils étaient des étrangers et des voyageurs.
Or, parler ainsi, c’est montrer clairement
qu’on est à la recherche d’une patrie.
S’ils avaient songé à celle qu’ils avaient quittée,
ils auraient eu la possibilité d’y revenir.
En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure,
celle des cieux.
Aussi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu,
puisqu’il leur a préparé une ville.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve,
Abraham offrit Isaac en sacrifice.
Et il offrait le fils unique,
alors qu’il avait reçu les promesses
et entendu cette parole :
C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom.
Il pensait en effet
que Dieu est capable même de ressusciter les morts ;
c’est pourquoi son fils lui fut rendu :
il y a là une préfiguration.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (3, 13-19)
En ce temps-là, comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ».
Homélie
Pour nous chrétiens, l’affirmation selon laquelle la sagesse divine se distingue de la sagesse humaine n’est pas nouvelle. Saint Paul, dans ses lettres à la communauté corinthienne, défendait déjà cette idée. Il disait que la sagesse prêchée par nous les chrétiens n’est pas une sagesse de ce siècle, ni même des dirigeants de ce siècle (1 Co 2, 6-7). Rappelons-nous les paroles incisives de l’Apôtre des Gentils : « la sagesse de ce monde est folie devant Dieu » (1 Co 3, 19).
Cette distinction entre la sagesse de Dieu et la sagesse du monde tient avant tout à l’incapacité de l’être humain, être fini, à connaître par lui-même la plénitude de la vérité divine : « Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu » (1Co 1, 21). Cette vérité de la foi ne nous permet pas de nous contenter de la sagesse de notre monde, mais elle nous appelle à rechercher la sagesse divine.
Surtout pour nous, étudiants catholiques, la question qui se pose face à ce désir qui est le nôtre, est : comment devrions-nous rechercher la sagesse divine ? Ou, quelle est la meilleure façon de s’appliquer aux études en vue de la sagesse divine? Répondre à ces préoccupations n’est pas une tâche simple. Il existe de longs traités de théologie et de philosophie qui cherchent à répondre à ces questions de manière systématique.
Cependant, je voudrais au moins partager les moyens possibles de répondre à ces questions. Pour cela, j’évoque notre grand saint dominicain, dont nous célébrons aujourd’hui la fête, saint Thomas d’Aquin.
« Le bœuf muet », comme certains l’appelaient, a beaucoup à nous dire sur ce sujet. Dans l’introduction de sa Somme contre les Gentils, il décrit ce qu’est la vocation du sage, du point de vue de la foi catholique. En défendant la supériorité des études de sagesse, le saint dominicain nous donne une indication de ce que doit être notre prédisposition à la vérité divine. Dans un premier temps, saint Thomas souligne que le métier de sage dépasse nos forces, surpasse notre condition humaine : « car bien des choses qui dépassent l’esprit de l’homme t’ont été révélées » (Si 3, 25). Ainsi, le chrétien sage doit, deuxièmement, avoir confiance en la miséricorde de Dieu, car, dans sa bonté et sa miséricorde, il nous accordera la vision de sa Sagesse, par la vertu de la foi : « Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit, l’Esprit en effet sonde tout, même les profondeurs de Dieu » (1Cor 2,10).
Posséder cette confiance, ou plutôt acquérir la vertu de foi, suggère un long cheminement. Un processus de conversion. Un processus d’abandon de soi, compte tenu de notre configuration au Christ. La sagesse chrétienne exige une prise de conscience de notre condition limitée et de notre rôle par excellence : « l’office principal de ma vie auquel je me sens en conscience obligé devant Dieu, c’est que toutes mes paroles et tous mes sentiments parlent de lui » (Saint Hilaire).
Reconnaissant cette prédisposition initiale à la sagesse divine, il nous reste à répondre à la question du début : comment un étudiant, sur la base de ses études, peut, d’une certaine façon, approcher cette sagesse. Dans une lettre à un frère étudiante dominicain, Saint Thomas donne quelques conseils pratiques pour accéder aux trésors de la science et de la culture. Il y a quatorze conseils qui peuvent nous offrir une direction sur la façon de procéder dans nos études, en tenant compte de la sagesse divine. Ils sont:
- Entre dans la mer de la connaissance par les petits ruisseaux et non d’un trait : car c’est par le plus facile qu’il convient d’arriver au plus difficile. Voici mon premier conseil et tu serais bien inspiré de le suivre.
- Sois lent à parler, lent à te rendre là où l’on parle.
- Accorde une grande importance à garder une conscience pure.
- Ne cesse jamais de prier.
- Montre-toi aimable envers tous.
- Ne te mêle pas des affaires des autres.
- Ne sois trop familier avec personne, car l’excès de familiarité engendre le mépris et fournit l’occasion de négliger le travail sérieux.
- Ne perds pas de temps en conversations inutiles.
- Marche dans les pas des saints et des gens de bien.
- Ne te concentre pas sur celui qui parle, mais confie à ta mémoire tout ce que tu entends de bon.
- Ce que tu lis et entends, fais en sorte de bien le comprendre.
- Dissipe tes doutes.
- Efforce-toi de ranger tout ce que tu pourras dans la petite bibliothèque de ton esprit.
- Ne cherche pas ce qui te dépasse.
Suivre ces conseils, dans les circonstances de chaque étudiant, est un bon début pour ordonner nos études ordinaires à la sagesse divine qui nous dépasse. Dans ce chemin d’études et de recherche de la Vérité, rappelons-nous toujours l’exhortation de saint Hilaire, citée par saint Thomas : « Dans ta foi, entreprends, progresse, acharne-toi. Sans doute, tu n’arriveras pas au terme, je le sais, mais je me réjouis de ton progrès. Qui poursuit avec ferveur l’infini, avance toujours, même si d’aventure il n’en est rien. Mais garde-toi de prétendre pénétrer le mystère, garde-toi de plonger dans le secret d’une nature sans contours, en t’imaginant saisir le tout de l’intelligence. Comprend que cette vérité dépasse toute compréhension ».
Saint Thomas d’Aquin, priez pour nous tous, étudiantes et étudiants, qui cherchons à connaître plus profondément les vérités éternelles à travers nos études ordinaires. Que Dieu vous accorde son Esprit, qui nous révélera la grandeur et les délices de la sagesse divine.
Rodrigo Camilo Camargo
PRIÈRE
∞ Amen.