5 DÉCEMBRE 2022
Porteurs de compassion
En ce deuxième dimanche de l’Avent, le frère Jean-Louis de Larochelle, O.P. nous livre une réflexion afin de rester dans la joie de l’attente du retour du Christ sur terre.
LIVRE DU PROPHETE ISAÏE (35, 1-10)
Le désert et la terre de la soif,
qu’ils se réjouissent !
Le pays aride, qu’il exulte
et fleurisse comme la rose,
qu’il se couvre de fleurs des champs,
qu’il exulte et crie de joie !
La gloire du Liban lui est donnée,
la splendeur du Carmel et du Sarone.
On verra la gloire du Seigneur,
la splendeur de notre Dieu.
Fortifiez les mains défaillantes,
affermissez les genoux qui fléchissent,
dites aux gens qui s’affolent :
« Soyez forts, ne craignez pas.
Voici votre Dieu :
c’est la vengeance qui vient,
la revanche de Dieu.
Il vient lui-même
et va vous sauver. »
Alors se dessilleront les yeux des aveugles,
et s’ouvriront les oreilles des sourds.
Alors le boiteux bondira comme un cerf,
et la bouche du muet criera de joie ;
car l’eau jaillira dans le désert,
des torrents dans le pays aride.
La terre brûlante se changera en lac,
la région de la soif, en eaux jaillissantes.
Dans le séjour où gîtent les chacals,
l’herbe deviendra des roseaux et des joncs.
Là, il y aura une chaussée, une voie
qu’on appellera : la Voie sacrée.
L’homme impur n’y passera pas
– il suit sa propre voie –
et les insensés ne viendront pas s’y égarer.
Là, il n’y aura pas de lion,
aucune bête féroce ne surgira,
il ne s’en trouvera pas ;
mais les rachetés y marcheront.
Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent,
ils entrent dans Sion avec des cris de fête,
couronnés de l’éternelle joie.
Allégresse et joie les rejoindront,
douleur et plainte s’enfuient.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (5, 17-26)
Un jour que Jésus enseignait,
il y avait dans l’assistance des pharisiens
et des docteurs de la Loi,
venus de tous les villages de Galilée et de Judée,
ainsi que de Jérusalem ;
et la puissance du Seigneur était à l’œuvre
pour lui faire opérer des guérisons.
Arrivent des gens, portant sur une civière
un homme qui était paralysé ;
ils cherchaient à le faire entrer
pour le placer devant Jésus.
Mais, ne voyant pas comment faire à cause de la foule,
ils montèrent sur le toit
et, en écartant les tuiles,
ils le firent descendre avec sa civière
en plein milieu devant Jésus.
Voyant leur foi, il dit :
« Homme, tes péchés te sont pardonnés. »
Les scribes et les pharisiens se mirent à raisonner :
« Qui est-il celui-là ? Il dit des blasphèmes !
Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? »
Mais Jésus, saisissant leurs pensées, leur répondit :
« Pourquoi ces pensées dans vos cœurs ?
Qu’est-ce qui est le plus facile ?
Dire : “Tes péchés te sont pardonnés”,
ou dire : “Lève-toi et marche” ?
Eh bien ! Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme
a autorité sur la terre pour pardonner les péchés,
– Jésus s’adressa à celui qui était paralysé –
je te le dis,
lève-toi, prends ta civière
et retourne dans ta maison. »
À l’instant même, celui-ci se releva devant eux,
il prit ce qui lui servait de lit
et s’en alla dans sa maison en rendant gloire à Dieu.
Tous furent saisis de stupeur et ils rendaient gloire à Dieu.
Remplis de crainte, ils disaient :
« Nous avons vu des choses extraordinaires aujourd’hui ! »
Homélie
Dans le récit évangélique du jour, nous rencontrons bien des intervenants. À part Jésus, nous voyons des docteurs de la Loi et des scribes, un homme paralysé qui espère être guéri, une foule et des hommes qui se font les porteurs de l’homme handicapé. À première vue, le récit doit s’articuler avant tout autour de la relation de Jésus avec le paralysé. Et pour cette raison, on n’est pas porté à faire attention à ces intervenants anonymes qui se chargent d’amener le paralysé au pied de Jésus. Eux, ils ne prennent pas la parole, à la différence des docteurs de la Loi et des pharisiens. Ils rendent un service concret et disparaissent de la scène. Ce sont des personnages discrets, effacés. Il reste que l’on devine, derrière leur geste, une compassion réelle pour l’homme qui compte sur eux. On devine aussi qu’ils ont une confiance réelle dans ce guérisseur qu’est Jésus.
Or, la figure de ces porteurs est non seulement fort suggestive, elle est inspirante pour les chrétiens et chrétiennes que nous sommes. Car, que d’occasions peuvent avoir les croyants et croyantes d’assumer un tel rôle de « porteur » en faveur de personnes qui souffrent ou qui sont marginalisées. À ce propos, je me rappelle la réflexion d’un homme de Québec qui, il y a près d’une dizaine d’années, avait choisi d’investir de son temps dans un comité paroissial engagé dans le parrainage de réfugiés politiques et de migrants. Un jour, son comité s’est retrouvé chargé de l’accueil d’une famille musulmane. En tant qu’ancien fonctionnaire de l’État, il pouvait profiter de relations privilégiées qui lui permettaient d’avoir accès à des services pertinents. Il n’était pas le seul d’ailleurs à pouvoir compter sur des ressources de ce genre. De fait, l’accueil et l’accompagnement des membres de la famille musulmane ont été bien réussis. Les intervenants étaient motivés et solidaires. Après quelques mois, voilà qu’un des membres du comité demande : « Est-ce que nous pouvons, nous catholiques, apporter quelque chose d’original à cette famille musulmane? Au-delà du logement à trouver, des ressources financières à assurer, des contacts à établir avec les écoles et les organismes sociaux (ce que nous avons réussi à bien faire), est-ce que nous pouvons faire quelque chose de plus? Ne devrions-nous pas exprimer ouvertement à cette famille nos convictions évangéliques? Comme chrétiens, est-ce que nous avons suffisamment témoigné de notre foi en Jésus-Christ? » Ces questions ont rebondi. Les membres du comité ont cru bon demander conseil à un membre de l’équipe pastorale. Et la réponse qu’ils ont reçue a été la suivante : « On ne vous a pas chargés de convertir au catholicisme les membres de cette famille, on vous a simplement demandé d’être des témoins de la compassion du Seigneur à l’endroit de ces personnes démunies. Vous avez rempli votre rôle en leur faisant goûter aux fruits de la compassion évangélique. Pour le reste, faites confiance à l’Esprit Saint. »
C’est en pensant à l’expérience de cet homme que m’est revenu à l’esprit la figure des «porteurs du paralysé». De tels porteurs, sachons le reconnaître, il en existe un bon nombre non seulement chez les croyants mais chez les gens de bonne volonté. Sachons nous réjouir de ces hommes et de ces femmes qui, dans la discrétion et le dévouement, savent mener à la Vie que le Christ Jésus tient à faire goûter.
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
∞ Amen.