Homélie, 34ème mardi du Temps Ordinaire

Je m’excuse auprès des personnes qui ont essayé de me suivre dans leur ‘Prions’ car j’ai débuté par les cinq premiers versets du chapitre 21 qui n’ont pas été lus hier à cause de la fête de la Présentation de Marie au temple. Ce court texte qui précède immédiatement celui prévu pour aujourd’hui permet de jeter, me semble-t-il, un regard éclairant sur ce passage de Jésus et de ses disciples au temple.

En effet, alors que certains sont éblouis par la beauté du temple et ses richesses, Jésus, lui, est émerveillé par cette pauvre veuve qui, contrairement aux gens riches, donne de son nécessaire même si elle ne verse que deux piécettes de monnaie.

Deux regards : le regard intérieur de Jésus et le regard extérieur de certains de ses disciples. Il ne s’agit pas pour autant de condamner ceux qui admirent la beauté du temple. De fait, tout au long de l’histoire, l’humanité s’est donné de magnifiques temples ou églises auxquels elle est très attachée. Pensons à l’émoi causé par l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris.

Mais Jésus rappelle qu’un jour il ne restera plus pierre sur pierre de ces constructions et en particulier du temple alors que la générosité de cette femme lui vaudra une récompense éternelle et, surtout, par sa compassion et sa bonté, cette femme est l’image de ce Dieu de miséricorde qui va jusqu’à tout donner en envoyant son Fils parmi nous.

Jésus va plus loin encore. Il avertit ses auditeurs à qui il vient d’annoncer la nouvelle de la destruction prochaine du temple de ne pas se laisser distraire par l’extérieur, de ne pas perdre les pédales. Ne courez pas après ceux qui vous diront ‘c’est moi’ ou encore ‘le moment est proche’. Ne courez pas comme les poules sans tête. Il y a une manière beaucoup plus intérieure d’affronter ces épreuves voire les calamités qui marqueront la fin.

Par exemple, le livre de l’Apocalypse nous invite à y voir le temps de la moisson. Tous ces beaux gestes d’amour, de miséricorde, de bonté comme celui de la pauvre veuve seront engrangés dans le royaume à venir. Mais tous les actes de violence, d’asservissement, de haine seront recueillis mais pour disparaître. Sera révélé ce que chacun est dans ce qu’il est au plus profond de lui-même. Dimanche, nous avons célébré la solennité du Christ Roi de l’Univers, que notre foi et notre espérance nous permettent d’affronter et de lire ces événements comme les signes d’un temps nouveau et de l’avènement tant attendu du Royaume.

Ne pas nous arrêter aux apparences. Tout voir de l’intérieur. Sainte Cécile dont nous faisons mémoire aujourd’hui en est le parfait exemple. Pourquoi est-elle la patronne des musiciens? Parce qu’elle chantait bien? Parce qu’elle était musicienne? Non, tout simplement, parce qu’au moment du supplice, elle chantait pour Dieu dans son cœur! Elle vivait cette ultime épreuve dans la foi, dans l’intériorité de son chant qui l’unissait à son Dieu.

Comme l’a écrit Maurice Zundel, prêtre suisse, grande figure spirituelle du XXe siècle, « Le miracle de la musique, c’est d’atteindre au fond de l’homme et de le mettre en face de l’éternel en lui, de faire surgir au-dedans de lui ce Visage qui ne cesse de l’attendre afin de l’introduire dans ce dialogue où il y a Quelqu’un, où l’on n’est plus seul ». Il poursuit « Oh ! Si tout le monde pouvait écouter la musique, si tout le monde pouvait s’ouvrir au message de la vraie musique, à celle qui jaillit de la contemplation, celle qui est le chant même du silence ! Alors tout serait changé ! […] Chacun se sentirait chargé de la vie même de Dieu en tous et pour tous, de ce Dieu qui est le Secret le plus personnel de chacun » (Ton visage, ta lumière).

Fr. André Descôteaux, O.P.

PRIÈRE