Homélie, 34ème dimanche du Temps Ordinaire

20 NOVEMBRE 2022

Le Crucifié, un Roi?

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P. nous invite à accueillir l’amour et la miséricorde du Royaume de Dieu inauguré dans le sacrifice de la croix et reconnaitre le Crucifié comme notre Roi.
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Homélie

Jésus avait le droit de descendre de la croix. Tous le savaient innocent, même Pilate qui avait cherché à le libérer, même les chefs du peuple qui avaient inventé une fausse accusation pour l’accuser, même le peuple qui, selon Luc, regardait en silence ce qui se passait au Calvaire. Un des larrons l’affirme : « lui, il n’a rien fait de mal ».

Jésus pouvait descendre de la croix. Quoi de plus simple pour lui? Ce n’aurait pas été plus difficile pour lui que de guérir un paralysé, purifier un lépreux ou ressusciter un mort. Il aurait pu, dans la même foulée, anéantir tous ceux qui l’avaient arrêté, jugé, condamné, crucifié et qui se moquaient de lui au pied de sa croix. « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ». On aurait pu ainsi repartir à neuf. Malheureusement, penseront certains, il n’est pas descendu de la croix. Il ne s’est pas sauvé lui-même. Ne l’avait-il pas dit : « je ne suis pas venu pour être servir, mais servir et donner ma vie »?

Et pourtant, le Christ permet réellement de repartir à neuf. Un nouvel horizon s’ouvre pour l’humanité : celui du royaume qu’il n’a cessé de proclamer. Et quel est ce royaume? C’est là où Dieu règne. Enfin, Dieu est présent dans cette histoire mais à sa manière, à la manière du berger dont parlait la première lecture, du berger qui donne sa vie pour ses brebis. Et cette manière se manifeste avec éclat dans l’impuissance apparente et le silence de la croix. Nous sommes bien loin du Roi-Soleil et de son absolutisme. Il ressemble davantage à nos monarques constitutionnels qui règnent, mais ne gouvernent pas au point que si le parlement votait l’abolition de la monarchie, le roi serait obligé de ratifier la loi.

Cette dernière comparaison est boiteuse, car Jésus donne l’impression de ni régner et encore moins de gouverner. Il est totalement à la merci de ses ennemis. Ce sont eux qui sont les maîtres du jeu. Il est fixé à une croix et non assis sur un trône. Et pourtant, quelque chose de révolutionnaire, quelque chose d’extraordinairement nouveau est en train d’advenir. Dieu, dans son Fils, vient libérer l’humanité de toutes les forces du mal, de toutes les entraves malfaisantes qui l’empêchent de réaliser ce à quoi elle est appelée : devenir images et fils et filles de Dieu. En Jésus, Dieu prend sur lui notre mort pour nous faire entrer dans la plénitude de la vie. Et ce chemin-là, seul Dieu pouvait l’ouvrir. Dieu seul pouvait faire que la vie, sa vie, soit plus forte que la mort. Dieu seul pouvait faire que son amour soit plus fort que toute la haine du monde. Dieu seul pouvait faire que sa miséricorde vienne briser la spirale de la violence destructrice pour qu’elle devienne un dynamisme de réconciliation. 

La haine vient se briser sur la miséricorde de Dieu, manifesté en Jésus, sa parfaite image. La mort vient mourir sur la croix, car ressuscitera le premier-né d’entre les morts. Ce Jésus, ce prophète, passant parmi son peuple en faisant le bien, en proclamant la venue du royaume tant attendu, en guérissant les malades, en pardonnant les péchés, en annonçant un royaume de paix et de justice, dans l’acte final de sa vie, inaugure ce fameux royaume. Comme le dit Paul, Dieu « nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui, nous avons la rédemption, le pardon des péchés ».

Celui que l’on surnomme le bon larron l’a bien compris. Il a saisi que les bras ouverts du Crucifié étaient ceux du Père qui venait le chercher non pour le juger mais pour l’entraîner avec lui dans son Royaume, premier-né d’entre les morts. Le malfaiteur, au dernier moment de sa vie, s’ouvre à cette espérance non en s’adressant au Christ avec les titres grandiloquents de Seigneur, de Majesté ou d’Éminence, mais seulement en l’appelant par son nom, Jésus. Jésus, Dieu sauve! Il ne se confesse même pas. Il n’établit pas la liste de ses méfaits ou de ses péchés mais adresse seulement une humble demande de vie et d’espérance. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ». Et la réponse de Jésus est immédiate : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ».

Aujourd’hui, le Christ Jésus, les bras en croix, dans le silence et l’impuissance, nous invite, nous aussi, à accueillir son amour et sa miséricorde et à entrer avec lui, aujourd’hui, dans le Paradis non pas parce que nous mourrons aujourd’hui mais parce que, grâce à son Esprit, nous mourrons à la puissance mortifère de l’égoïsme, de la puissance et de la haine pour revivre, avec lui, notre vie, notre réconciliation et notre salut.

« Seigneur Jésus,

j’aime à redire,

avec l’un des malfaiteurs

crucifiés avec toi:

« Seigneur Jésus,
j’aime à redire,
avec l’un des malfaiteurs
crucifiés avec toi :
« Souviens-toi de moi
quand tu viendras dans ton Royaume ».
Car je reconnais en toi,
le Crucifié aux bras étendus,
l’image du Dieu invisible,
le premier ressuscité,
la tête de l’Église,
les prémices de la nouvelle Création.
En ton royaume,
souviens-toi de moi! »
(Michel Wackenheim)

Fr. André Descôteaux, O.P.

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu,
Père de l’humanité entière,
ta grâce nous fait reconnaître notre Roi
en Jésus crucifié et couronné d’épines.
Donne-nous de choisir, nous aussi,
l’amour pour seule force
et l’humble service pour unique grandeur.
Nous pourrons alors participer à la joie de ton Royaume
avec ton Fils, le Christ, notre Seigneur et notre Frère,
qui vit et règne avec toi
dans la communion de l’Esprit Saint,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.