Homélie, 31ème lundi du Temps Ordinaire

31 OCTOBRE 2022

Schisme d'amour

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous rappelle que le statut socio-économique des individus est, encore de nos jours, utilisé comme excuse pour créer des séparations entre humains et même entre frères et sœurs en Christ.

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Homélie

En 2017, une recherche sociologique a été publiée en France avec le titre suivant : « Ce que les riches pensent des pauvres ». Cette recherche a été menée dans trois villes appartenant à des régions différentes du monde: en France, on a retenu la ville de Paris, au Brésil, celle de Sao Paulo et en Inde, celle de Delhi. Or, dans chacune de ces grandes cités, on a observé une même tendance forte chez les gens très favorisés économiquement. Premier constat : les riches tenaient à avoir le moins de contacts possibles avec les pauvres. La ségrégation territoriale était bien organisée. Partout les riches vivaient dans des quartiers nettement séparés de ceux où se retrouvaient les moins nantis. Autre signe de séparation : les riches ne voulaient pas que leurs enfants fréquentent les mêmes écoles que celles des gens ordinaires ou des pauvres. En d’autres mots, ils avaient adopté des stratégies d’évitement. Pour eux, pas de mixité résidentielle et pas davantage de solidarité sociale. Les motifs pour agir de la sorte: pouvoir profiter d’une bonne sécurité et ne pas avoir à s’adapter à des manières de vivre différentes des leurs.

Avec un tel portrait, comment accueillir la parole de Jésus : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, (…), ni tes riches voisins. (…). Invite des pauvres, des estropiés… ». Ce conseil de Jésus était-il réaliste? Ne savait-il pas qu’il y avait habituellement, dans sa propre société, un large fossé entre les riches et les petites gens? La parabole du riche et de Lazare n’illustre-t-elle pas très bien cette réalité? (voir Lc 16,19-31) À son époque tout comme aujourd’hui, les personnes qui partageaient le même statut social et les mêmes intérêts se retrouvaient ensemble. 

Or, cette dynamique sociale, Jésus est venu la remettre en question. Avec entêtement, au nom même de l’amour du prochain, il a affirmé que les gens ne devaient plus vivre comme des étrangers ou encore moins comme des exploiteurs les uns envers les autres. Tout disciple qui voulait le suivre se devait d’ouvrir son cœur et sa porte à quiconque, qu’il soit riche ou pauvre, qu’il soit de sa propre classe sociale ou non, qu’il soit un proche ou un étranger. Bref, le disciple se devait d’imiter Dieu lui-même dans sa compassion.

Malheureusement, de façon presque continue dans l’histoire, la vision évangélique de la solidarité sociale et de l’amour concret du prochain a été régulièrement refusée, souvent bafouée. Les premières communautés chrétiennes ont cherché, elles, à relever ce défi. Mais elles n’ont réussi que partiellement à y parvenir. Rappelons-nous, à ce propos, les remarques de saint Paul aux chrétiens et chrétiennes de la communauté de Corinthe. Les chrétiens favorisés de cette communauté se permettaient de prendre leurs repas et de boire au point d’être ivres alors même que les petites gens, à côté d’eux, avaient faim (voir I Co 11,20-22). 

Nous devons bien reconnaître que le défi que Jésus a proposé à ses disciples les dépassait. Seul un profond désir d’imiter Dieu dans son amour peut permettre d’aller à contre-sens, au moins partiellement, de la dynamique sociale privilégiée. Seul un tel désir peut rendre capable de franchir certaines barrières qui font de l’autre un étranger, ou un paria, ou un ennemi. Mais cela ne suffit pas. Il importe d’avoir l’humilité de reconnaître le besoin d’être continuellement soutenu par l’Esprit du Christ Jésus. C’est ce qui peut et pourra permettre aux baptisés d’accueillir la parole de Jésus : « Heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. » (Lc 14,14) 

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Tu as voulu, Seigneur Dieu,
que par la grâce de l’adoption filiale,
nous devenions des enfants de lumière;
ne permets pas que nous soyons enveloppés des ténèbres de l’erreur,
mais accorde-nous d’être toujours rayonnants
dans la splendeur de ta vérité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.