11 SEPTEMBRE 2022
Entraînés par la joie de Dieu
Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique la passion de Dieu lorsqu’il part à la recherche de ses enfants égarés et la joie qu’il éprouve lorsqu’il en retrouve un(e).
LIVRE DE L’EXODE (32, 7-11.13-14)
En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse : « Va, descends, car ton peuple s’est corrompu, lui que tu as fait monter du pays d’Égypte. Ils n’auront pas mis longtemps à s’écarter du chemin que je leur avais ordonné de suivre ! Ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : ‘Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte.’ »
Le Seigneur dit encore à Moïse : « Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. »
Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même : ‘Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel ; je donnerai, comme je l’ai dit, tout ce pays à vos descendants, et il sera pour toujours leur héritage.’ »
Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE À TIMOTHÉE (1, 12-17)
Bien-aimé, je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde, car j’avais agi par ignorance, n’ayant pas encore la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante, avec la foi, et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus.
Voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle.
Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (15, 1-32)
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue!’
« Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
« Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’
« Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
« Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
« Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père.
« Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.
« Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’
« Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !’ »
Homélie
Je ne sais pas si la liturgie nous fait un clin d’œil en nous présentant ces paraboles sur la miséricorde et la conversion après nos vacances estivales. Plus sérieusement, de ces deux paraboles que nous venons d’entendre, j’affectionne particulièrement la deuxième où la femme recherche la pièce d’argent qu’elle a perdue. Je l’aime parce que je me reconnais en elle. Il m’arrive si souvent de chercher ce que je crois avoir perdu en particulier mon iPhone. Généralement, tout va bien, car, ayant une ligne extérieure dans ma chambre, je m’appelle et mon iPhone sonne. Toutefois, c’est plus compliqué quand il est en mode vibration. Mais le pire pour moi c’est quand j’égare mes AirPods. C’est petit. J’ai eu beau utiliser le logiciel ‘Localiser’, il n’est pas assez précis. Un jour, il m’a fallu, comme la femme de la parabole, sortir le balai. Finalement, je les ai retrouvés. J’avais si peur de marcher dessus. Puis je me disais ‘si je les ai perdus, pourrais-je les remplacer?’ Heureusement, je les ai aperçus cachés derrière une patte de mon bureau. J’étais vraiment heureux, mais je n’ai pas invité mes frères voisins.
Ces deux paraboles sont suivies par celle de l’enfant prodigue que nous avons entendue durant le carême. Contrairement au père de l’enfant prodigue qui attend son fils, dans les deux paraboles de ce soir, et la femme et le berger partent à la recherche de ce qu’ils avaient perdu. Ils ne sont pas passifs. Ils s’engagent activement. Peut-être parce que leur perte aurait des conséquences pénibles comme cette femme qui aurait perdu le dixième de sa fortune, mais aussi tout simplement parce que, dans le cas du berger, la brebis qui s’est égarée est ‘sa’ brebis. Dans un évangile apocryphe où cette parabole est reprise, il est dit que le berger part à sa recherche parce qu’elle est la plus grosse. Ici, rien de cela. Le berger laisse les 99 autres parce qu’elle est à lui. S’il avait été un mercenaire, peut-être se serait-il dit qu’est-ce qu’une brebis de perdue sur 100? Il aurait inventé une histoire à son patron et tout aurait été réglé. Non, le vrai berger part. Il se met à sa recherche. Il ne craint pas d’affronter le désert. Et une fois retrouvée, il la met sur ses épaules. Tout joyeux, comme la femme qui retrouve la pièce perdue, il fait la fête!
Tel est Dieu. Dieu qui depuis la faute d’Adam est à la recherche de l’être humain égaré. Souvenez-vous, dans les tout premiers chapitres de la Genèse, Dieu, après qu’Adam et Ève aient mangé du fruit défendu et se soient cachés de lui parce qu’ils avaient honte et craignaient sa réaction, Dieu les cherche ‘Adam où es-tu?’ Cet appel de Dieu ne cesse de résonner dans cette histoire que nous appelons sainte. Dieu à la recherche de l’être humain qui se perd, se cache, s’enferme dans sa honte et sa culpabilité ou encore qui s’entête. Cette quête atteindra son sommet dans la présence parmi nous de Jésus, le Fils de Dieu, venu nous chercher dans nos ténèbres, même celles de la mort, pour nous conduire vers le banquet rassemblant tous les enfants de Dieu dispersés.
Non seulement Dieu vient à notre recherche, mais il est joyeux quand il nous retrouve! Est-ce possible? Dieu, Dieu est heureux quand il peut nous porter sur ses épaules, nous qui sommes souvent épuisés par notre fuite. ‘Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion ».
Mais que dire de cette colère de Dieu devant la faute de son peuple qui adore un faux dieu, colère que Moïse essaie de calmer? Évidemment, un traité avait été conclu entre Dieu et son peuple. Ce dernier venait de lui manquer gravement. Dieu aurait pu s’en tenir à la lettre du contrat. Mais son but n’est pas, ultimement, d’établir une relation de donnant à donnant entre lui et l’humanité. Il souhaite que celle-ci reconnaisse en lui un Père et comprenne qu’elle n’a d’avenir qu’en aimant.
Toutefois, ne nous faisons pas d’illusions : Dieu n’est pas indifférent au mal que nous commettons. Au contraire, il le bouleverse comme un père est ébranlé par le mal que s’inflige son enfant. S’il comprenait! S’il comprenait que je l’aime! Et pour que nous le comprenions, Dieu, notre Père, a envoyé son Fils à notre recherche.
Il nous recherche. Saint Paul en a fait l’expérience. Non seulement il lui a été fait miséricorde dans le Christ, mais il a été choisi pour devenir son apôtre et témoigner de cette miséricorde. Celle-ci n’est pas un cadeau à garder pour soi. Au contraire, la joie de Dieu doit entraîner le monde.
Jésus a prononcé ces paraboles pour des pharisiens et des scribes « qui récriminaient contre lui : ‘Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux!’ » L’évangéliste nous dit même que « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter ». Mais, à moins que je ne me trompe, je ne vois pas beaucoup de pécheurs publics, de publicains ou de prostituées parmi nous. Qui, aujourd’hui, part à la recherche de la brebis perdue, porté par cette passion de Dieu pour ses enfants égarés? Qui est le témoin de sa joie lorsqu’un pécheur se convertit? Le pape François a tellement raison de nous envoyer à la recherche de ses enfants dispersés pour que, avec l’ensemble de la communauté, ils viennent chanter leur joie et communier à celle de notre Dieu et Père. Pourquoi ne pas témoigner de la miséricorde du Seigneur dont nous sommes l’objet et de la joie qui envahit nos cœurs? Pourquoi, dans cette année qui commence, ne pas être les témoins joyeux de la miséricorde et partir à la recherche de ce qui est perdu? Nous n’aurons probablement pas à aller bien loin. Bonne année de joie!
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
tu te mets à notre recherche
et toujours tu nous accueilles
quand nous allons à toi.
Dans l’obéissance de ton Fils,
fais-nous trouver le chemin de ta maison,
et ta tendresse comblera notre joie.
Par Jésus Christ, ton Fils,
notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.