7 décembre 2025
Le Royaume des Cieux est tout proche !
En ce deuxième dimanche de l’Avent, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous parle en profondeur du prophète Jean le Baptiste qui a inspiré le Christ et l’a précédé dans l’annonce du Royaume de Dieu bientôt à venir, réveillant pour lui le peuple endormi dans l’attente.
LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE (11, 1-10)
En ces jours-là, un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins.
Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer.
Ce jour-là, la racine de Jessé, père de David, sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure.
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS (15, 4-9)
Tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde qu’elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (3, 1-12)
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
« Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Prédication
En ce 2ème dimanche de l’Avent, Isaïe nous annonce un Messie à venir, qui sera sage et juste. Et une ère nouvelle de paix, où le loup et l’agneau, le veau et le lionceau, l’enfant et la vipère vivront dans l’harmonie. Un rêve célèbre, comme celui de Martin Luther King. En contraste, Matthieu nous présente un prophète vigoureux : Jean le Baptiste. Il dérange, il provoque, il ne suscite pas la paix et l’harmonie! Mais son travail, c’est justement de préparer cette belle ère messianique. Et cela demande de faire du ménage, de nettoyer le terrain.
Jean le Baptiste est une figure majeure pour nous les chrétiens. Il a initié un mouvement religieux qui a marqué nos origines. Matthieu présente ici son style de vie et de costume, typique du prophétisme, ainsi que le cœur de son message : un appel à la conversion, lié à la venue imminente du Jugement de Dieu et de son Messie. Jean invite les gens à changer leurs vies et à exprimer cet engagement en se faisant baptiser. Pour lui, il ne suffit pas d’appartenir au peuple de Dieu, d’être enfant d’Abraham, ou de faire les rituels prévus. La conversion vient toucher le cœur des personnes et elle porte des fruits de justice.
Prophète radical, il critique vivement les puissances politiques et religieuses, mais il accueille à sa suite les gens de toutes classes et origines, qu’ils soient publicains, pharisiens, prostituées, étrangers, soldats : l’égalité est dans la réponse à l’appel du Royaume, dans l’engagement à changer de vie. Richesse et pouvoir ne l’impressionnent pas. II fascine même ceux qui s’opposent à lui et qui plus tard l’élimineront.
Jean le Baptiste va marquer profondément Jésus, dont la première démarche fut de le suivre, d’être baptisé par lui, et dont les premiers disciples venaient du mouvement de Jean Baptiste. Et en ses débuts, Jésus reprend plusieurs traits du Baptiste : l’annonce du Règne de Dieu, l’appel à la conversion, l’ouverture à tous, le rite de baptême, … Avec le temps, les différences vont s’accentuer, autour des signes du Règne et de la miséricorde, mais Jean a laissé sa marque. Et Jésus finira comme lui, éliminé par les pouvoirs politiques.
Jean s’attend à ce que le Messie qui doit venir agisse avec puissance et fracas. Le grand ménage s’en vient. Jean ne se perd pas dans les nuances. Attention, ça va chauffer, comme un feu qui purifie. Le temps des mensonges et de la corruption arrive à sa fin. Aux gens qui désespéraient d’un changement, il annonce un revirement de situations, qui leur redonne espérance.
La figure de Jean Baptiste est importante aussi dans la tradition canadienne française et québécoise, dont il est le saint patron. Mais elle est bien différente du personnage biblique et elle a connu des soubresauts. Jean a été présenté comme un enfant frisé et gentil, avec ses moutons, et qui avait l’air d’un mouton plus que d’un pasteur! Ou comme un faire-valoir de Jésus, simple figurant faisant ressortir le personnage central. Et maintenant, même si sa fête du 24 juin est devenue la fête nationale, il est ignoré. Un enfant, une ombre, un inconnu. Voilà notre patron!
Pourtant, Jean le Baptiste est l’une des figures les plus fortes de la Bible, tant dans ses grandeurs que dans ses faiblesses. Homme de parole, homme de la Parole, il annonce le salut et appelle à la conversion. D’ailleurs, comme au premier siècle, il a toujours des disciples aujourd’hui, pour qui c’est lui l’Envoyé de Dieu, et non Jésus. Ce sont les Mandéens, groupe religieux centré sur des rites baptismaux, pacifiste et souvent harcelé au Proche-Orient.
Jean le Baptiste vient aujourd’hui nous déranger un peu. Peut-être sa vigueur effraie-telle nos spiritualités toutes intérieures et confortables ou risque-t-elle de mettre en désordre nos petits mondes bien ordonnés, où tout doit être tranquille et plaisant ? En ce temps d’Avent, d’attente et d’avènement, voici une figure dérangeante, réveillante, qui vient nous sortir de nos habitudes et de notre indifférence, et qui ouvre une espérance. Et si nous laissions sa voix, qui vient de nos origines et du plus profond de nous, nous toucher quelque part, là où notre cœur est froid et notre tête confuse, là où nous sommes engourdis dans le facilité de nos sécurités. Et si nous laissions sa voix préparer un chemin en nous.
Pourquoi? Parce que le Royaume des cieux est tout proche. Et sa préparation requiert des changements. Pour qu’un jour le léopard et le chevreau, la vache et l’ours, le nourrisson et le cobra, puissent cohabiter, dans la paix et l’harmonie. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu de puissance et de miséricorde,
ne laisse pas le souci de nos tâches présentes
entraver la marche de ceux qui se hâtent
à la rencontre de ton Fils ;
mais forme-nous à la sagesse d’en-haut,
qui nous fait entrer en communion avec lui.
Lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.
